En Isère, la droite joue la culture

On murmure dans les couloirs du conseil départemental de l’Isère que la nouvelle majorité de droite, élue il y un an, soutient la culture. Voire même que les subventions augmenteraient. L’annonce semble irréelle. Pour en avoir le cœur net, on est allés rencontrer Patrick Curtaud, vice-président à la culture, et quelques acteurs culturels plutôt satisfaits.

Un an après avoir ravi le département à la gauche, la nouvelle majorité départementale de droite présidée par Jean-Pierre Barbier (Les Républicains) prend ses marques. Et l’action, en matière de culture, semble lancée. « Il y a eu peu d’opposition à l’augmentation du budget du département » annonce dans un sourire Patrick Curtaud, chargé de la culture au département. Après les dernières années plutôt sombres de la présidence du socialiste André Vallini, voilà l’éclaircie.

Pour 2016, le département annonce 12% d’augmentation par rapport à l’an dernier. Soit 1.5 millions d’euros en plus pour le budget de la culture. « Aujourd’hui, en cette période trouble, où l’on parle de vivre ensemble et de laïcité, la meilleure façon d’apprendre des autres, c’est le développement de la culture » assure Patrick Curtaud. Une politique de gauche appliquée par des gens de droite ? Il y a de quoi perdre le nord. « La culture n’est ni de droite, ni de gauche » continue le vice-président à la culture.

Bien sûr, il faut modérer l’enthousiasme. Henri Touati, membre de différentes organisations culturelles iséroises (comme le Forum des Lucioles) et ancien directeur du festival Les Arts du récit, s’en charge. « Il n’y a pas vraiment de rééquilibrage. La baisse des subventions depuis 2009 n’est pas encore rattrapée. » Le budget du département consacré à la culture s’était ainsi effondré en 2013 vers les 15 millions d’euros. C’était 23 millions en 2009. La pente sera longue à remonter si jamais l’équipe Barbier le voulait.

« Pas de mépris »

L’ambiance reste toutefois positive. Henri Touati : « Contrairement à ce que l’on pouvait penser, le nouveau conseil départemental n’est pas méprisant avec la culture. » Constat partagé par Jacky Rocher, directeur de la Rampe (la scène conventionnée danse et musiques d’Échirolles) qui, lui, décrit un « entretien agréable avec M. Curtaud. On avait une inquiétude avec le changement politique mais on a discuté avec quelqu’un qui connaît les dossiers. »

Le département rassure. Et donne ses orientations. Sur la liste de Patrick Curtaud, la lecture publique sera mise en avant avec des formations aux professionnels et le développement du réseau des bibliothèques sur tout le département. Le patrimoine est aussi au cœur du projet. « Pendant 5 ans, nous allons investir un million d’euros dans le patrimoine. Qu’il soit classé patrimoine historique, patrimoine de l’Isère ou patrimoine non-estampillé. » De simples églises en décrépitude profiteront de ces attentions. Un sacré coup de pouce.

Le département s’intéresse aussi à l’immobilier. Parce que le gros morceau du mandat de Jean-Pierre Barbier est déjà sur la table : les archives départementales. « Celles que nous avons à Grenoble sont trop petites, et n’ont plus la place pour les documents des tribunaux et des notaires. » Obligation est faite de construire un plus gros bâtiment à Saint-Martin-d’Hères pour 37 millions d’euros.

Vers un "donut grenoblois" ?

Pour faire bonne mesure et rassurer un monde du spectacle vivant échaudé, Patrick Curtaud et la collectivité vont aussi investir dans les festivals. Henri Touati imagine « que le département va financer un rééquilibrage géographique avec le Nord-Isère ». Bingo. Jazz à Vienne, ville dont Patrick Curtaud est adjoint, va avoir une belle subvention de 150 000 euros – 50 000 de plus que l’an dernier. Le Festival Berlioz, autre grande manifestation musicale du département (à la Côte-Saint-André), est tout aussi satisfait. Bruno Messina, directeur de l’Agence iséroise de diffusion artistique qui le porte : « On passe à 200 000 euros de subventions, et un investissement conséquent pour rénover le chapiteau. » L’asso va aussi organiser dès avril des temps périscolaires. Objectif : faire renaître la chorale, et avoir les premiers concerts au Festival Berlioz.

Du coup, quelques élus de l’agglomération craignent un "donut grenoblois" (tout pour le département, rien pour l’agglo). Patrick Curtaud s’en défend, bien sûr : « On ne laisse pas tomber les structures grenobloises. Le Magasin par exemple est toujours soutenu. La MC2 aussi. » De plus, en 2017, Grenoble-Alpes Métropole devrait acquérir la compétence culture, ce qui pourrait changer la donne. Les pourparlers vont commencer entre les deux collectivités – « un rendez-vous avec Christophe Ferrari, président de Grenoble-Alpes Métropole, est à venir ».

Avec cette augmentation de budget, le département frappe fort. Symboliquement comme économiquement. Et dans un contexte où la région présidée par Laurent Wauquiez (Les Républicains lui aussi) va baisser ses aides dans le domaine culturel et où la Ville de Grenoble laisse dans le flou beaucoup de monde, toutes les bonnes volontés sont mises à contribution.

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