Sans concession

Allumé, salace et ravageur, le son des ghettos de Baltimore sort progressivement de l’ombre. À l’occasion de son passage à Grenoble, entretien avec le DJ parisien Kazey, ambassadeur français de la discipline. Propos recueillis par Damien Grimbert

La Baltimore club music reste assez méconnue. Comment la présenterais-tu ?Kazey : Comme son nom l’indique, cette musique est née a Baltimore au milieu des années 90. Elle est issue des ghettos de cette ville. Ses influences premières sont la Miami bass, la ghetto house de Chicago, et la gogo music de Washington (des styles musicaux orientés vers la danse, à mi-chemin du hip-hop et des musiques électroniques, et souvent issus des quartiers les plus pauvres des villes précitées, ndlr). Les lyrics sont souvent “explicit”, les basses énormes et le groove imparable. C’est l’essence même de la musique pour les clubs : sexy et dynamique.Comment as-tu découvert cette musique, et quel était ton parcours de DJ avant cela ?J’ai commencé à acheter du hip-hop et de la hip-house à la toute fin des années 80, mais je ne me suis mis à mixer qu’en 91 après un court séjour à Londres. J’ai aimé, et j’aime toujours, beaucoup de styles musicaux différents, de la techno de Detroit au dirty south (branche du hip-hop spécifique au Sud des Etats-Unis, ndlr) en passant par la drum’n’bass ou l’électro-rock. J’ai toujours eu les oreilles grandes ouvertes en fait, il y a du bon dans tous les styles. Bizarrement, certains pensent que je débarque de nulle part, d’autres me connaissent comme un DJ techno, house ou hip hop... Pour ce qui est de la Baltimore, je suis dedans depuis 3 bonnes années, mais je connaissais déjà quelques classiques sans pouvoir vraiment mettre un nom sur ce style. Cette musique est tellement la synthèse de tout ce que j’aime : le rap, la house, la bass music, tout est là ! Je ne pouvais pas passer à côté.Peux-tu me dire quelques mots sur ta mixtape, Play me sexy ? Quel était ton objectif ?Je l’ai pas mal travaillée… Déjà je ne l’ai mixée qu’avec des vinyls pour avoir un meilleur son et plus de basses. Ensuite, je l’ai faite parce que je me rendais compte qu’en club, les gens adoraient cette musique mais ne la connaissaient pas du tout. Impossible pour la plupart de mettre un nom sur ce style. Alors pour qu’ils réagissent encore plus en club, j’ai eu envie de leur donner quelques clefs... La plupart des morceaux sont aujourd’hui des “classics”, mais il y a aussi quelques exclus d’une fraîcheur absolue...Que penses-tu de la démarche de DJs américains comme Diplo, Low Budget, ou Aaron Lacrate, qui ne sont pas originaires de Baltimore, mais ont grandement contribué à la faire connaître à un large public ?Tu sais c’est vraiment du cas par cas. Moi qui suis dans le truc, je connais un peu les bruits de couloir, et je sais qui est qui et qui, et qui fait quoi. Il y aura toujours des opportunistes... mais les mecs que tu viens de citer connaissent leur boulot, et ont fait avancer les choses à leur façon. En ce qui me concerne, je suis un passionné, les gens le savent, cette mixtape, je la donne volontiers quand on me la demande. Et je suis le premier à mettre en avant les artistes de Baltimore qui font cette musique depuis toujours. Pour tout te dire, ces mecs m’envoient même leurs morceaux pour que je les joue. Au final, tout le monde y trouve son compte ou presque.On reproche beaucoup au hip-hop actuel son flirt avec les clubs, et sa mise en avant des sapes, des bijoux et des voitures au détriment de ses « vraies valeurs »…Franchement, pour un mec comme moi qui aime autant la musique, et toutes les musiques, tous ces débats me dépassent et ne m’intéressent plus. Le hip-hop a toujours flirté avec l’électro et vice-versa, ne l’oublions pas. Et ça d’Afrika Bambaataa à Lil’Jon. Les producteurs utilisent les mêmes machines et les mêmes sampleurs... Après, les vraies valeurs du hip-hop... c’est quoi déjà ? Peace, Love, Unity and having fun... Qui a dit qu’on ne pouvait pas gagner de l’argent, aimer s’habiller, s’amuser en club et écrire des textes superficiels ou légers ? Moi je n’ai aucun problème avec ça. Je laisse aux autres leurs prises de tête. J’aime tout le hip-hop, du plus obscur au plus commercial... Et je m’estime heureux d’être le médiateur entre plusieurs cultures, entre les “modeux, glamour” et les musiques du ghetto.Soirée A Part of(f) avec Kazey, Scare, Redaster et Jean Pier le 23 mars au KaméléonMixtape “Play me sexy” (Clap Clap Music) disponible à la vente

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