Rage Ex Machina

Pour essayer de cerner au mieux l'état d'esprit de The Ex, on s'en est allé interviewer Andy Moor, guitariste du groupe depuis le début des années 90. Propos Recueillis par François Cau

Il y a un lieu systématiquement rattaché à l'histoire de The Ex, la Villa Zuid...
Andy Moor : Dans les années 80, il y avait énormément d'immeubles vides dans toute la Hollande, à Amsterdam en particulier. Ils appartenaient à des propriétaires qui voulaient spéculer, qui attendaient que la valeur du terrain monte pour pouvoir vendre ; ça a engendré une crise du logement à Amsterdam. Et donc les gens ont commencé à squatter ces immeubles, la Villa était l'un d'entre eux. La philosophie était celle qui règne dans les squatts, un mélange de toutes les individualités présentes. Certains vivent dans les squatts parce qu'ils ont un vrai idéal, d'autres parce que c'est gratuit... La Villa avait (et a toujours) une atmosphère particulièrement musicale, avec beaucoup de groupes qui faisaient des passages ; lorsque des amis musiciens venaient jouer à Amsterdam, ils restaient là-bas.

Comment la situation a-t-elle évolué à Amsterdam ?
La loi hollandaise a changé, se nourrit du droit européen, ça devient plus difficile. On est encore loin des États-Unis et de leur approche très religieuse de la propriété privée, où on vous arrête car vous brisez la loi. Les squatters ont la même attitude qu'il y a quinze ans mais ils sont confrontés à plus de difficultés. A Amsterdam il y a notamment une organisation appelée Anti-squatt ; si vous trouvez une maison vide, cette organisation s'empresse d'y mettre une sorte de locataire avec un loyer très faible, mais sans aucuns droits. Ce qui est assez paradoxal, c’est qu’en tant que squatter vous avez plus de droits...

La légende veut que ce style de vie ait défini votre musique.
Notre style est plutôt influencé par notre environnement au sens large. On a commencé à la fin des années 70, si The Ex avait démarré trois ans plus tôt on aurait peut-être fait du laptop, tout en s'exprimant de la même façon... On était rattachés à cette scène dominée par les guitares et l'esprit Do It Yourself, mais on n'y restait pas cloîtré pour autant, on écoutait de la musique africaine, du reggae, de la musique hongroise... Un très large panel de genres, qu'on s'approprie à notre façon au lieu de simplement les copier.

Comment êtes-vous rentrés en contact avec le milieu free-jazz ?
Il y a un lieu à Amsterdam appelé le Bimhuis, où se jouait une musique jazz très étrange, expérimentale et improvisée. Dans la tradition, avec les instruments coutumiers mais joués d'une façon atypique. On a commencé à traîner là-bas, à faire le tri de ce qui pouvait nous plaire ou non, et on y voyait des similitudes entre nos approches sonores, pas vraiment au niveau technique, qu'ils maitrisaient beaucoup mieux que nous, mais par l'angle expérimental. On a énormément échangé, ils aimaient chez nous cette idée d'un groupe qui fait 50 concerts par an, en cherchant à se perfectionner sans cesse.

La liberté de fonder votre propre label était fondamentale ?
A la base il y avait effectivement cette volonté d'être totalement indépendants, de ne pas avoir à rendre de comptes à une maison de disque. C'est dans le même esprit Do It Yourself que celui qui berce l'aventure des squatts, de mener ta vie selon tes propres décisions. L'idée était avant tout de créer un label où on peut contrôler comment l'argent est dépensé, sans gâchis, sans être obligé de vendre 100 000 albums pour continuer. C'est une liberté précieuse mais c'est aussi un combat permanent, on arrive parfois à la fin de l'année sans un rond mais encore une fois, notre indépendance est totale. Ce système fonctionne depuis maintenant 25 ans, et à chaque CD, c'est comme si on repartait de zéro, sans garantie ni sécurité. A Grenoble, on joue dans une salle de 100 places, et trois jours avant on sera dans un festival de jazz ; c'est essentiel pour nous de varier, de faire tant de choses différentes.

A chaque album vous oubliez illico votre répertoire passé...
Exact, on s'attache avant toute chose à réinventer le groupe systématiquement. En entrant en répétition, on jette les morceaux précédents et on se lance, sans savoir si ça va marcher ou non. C'est vraiment stimulant, et pour l'instant ça a toujours fonctionné. Tous les cinq ans, on plonge plus profondément dans l'expérimentation, on cherche des collaborations différentes.

Récemment vous vous êtes particulièrement attaché à l'Ethiopie...
A l'origine, ça s'est fait par la musique. Il y a près de douze ans maintenant on est tombés sur une sorte de pop music éthiopienne, ça nous a vraiment excité ; il y avait aussi une anthologie, Ethiopics, sortie sur un label français... On a fait une tournée d'un an en Afrique, on a passé du temps en Ethiopie à la fin du voyage. L'envie était encore plus grande, nos amis à Amsterdam nous encourageaient à tenter l'aventure et finalement on a pu mener ça à bien. On a appris des chansons éthiopiennes, de la musique qui nous semblait finalement assez familière, et on a tout apprécié sur place. C'est vraiment une atmosphère qui nous correspond.

Le mot punk a-t-il toujours le même sens pour vous ?
Quand j'ai rejoint The Ex, le punk était mort depuis une bonne dizaine d'années. J'écoutais quelques groupes, mais plutôt des formations à la marge du mouvement comme The Fours ou The Birthday Party. Aujourd'hui, je n'irai pas dans un festival punk pour écouter le son, mais si The Ex est invité, pourquoi pas, tant que notre musique compte pour eux...

The Ex au 102, rue d'Alembert le 8 février à 20h

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