Génie divin

Avec "Amours Suprêmes", un album une fois de plus hanté par Dieu, l’ex-Taxi Girl Daniel Darc poursuit son chemin de croix. Apparition prévue à la MC2. Stéphane Duchêne

L’anecdote est connue : en 1979, en première partie des Talking Heads, Daniel Darc s’ouvre les veines avec un cutter et asperge le public façon "ceci est mon sang, versé pour vous sur la croix du rock". Le grand guignol de la déglingue, un peu comme lorsqu’Iggy Pop se tailladait le torse avec des tessons ou se badigeonnait de… beurre de cacahuètes. C’est ainsi : Pete Doherty en est aujourd’hui la preuve absurde, le rocker est voué à offrir son corps en offrande aux fantasmes destroy de ses sujets. Sauf que dans le cas de Darc, le geste, ridiculement christique, en dit plus long : on a cru avec Crève-cœur (2004) que Darc avait eu une révélation divine. Il poussait même jusqu’à adapter le célèbre Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. »

Il faut dire que Darc sait de quoi il parle, pendant ses longues années de fondamentalisme toxico, il a expérimenté intensément la sensation de manque. En réalite, Dieu le taraude depuis bien plus longtemps. Premier album solo, fin des années 80 : Sous influence divine. « Je travaille pour le seigneur, plus rien ne peut me faire peur » chante-t-il sur la chanson titre, ritournelle béate comme un prêche de chrétien "Born Again". Pas étonnant quand on sait que Daniel Darc, né d’une famille juive russe, se convertira au protestantisme. Comme Bob Dylan qui, en pleine crise mystique s’était brièvement tourné vers le catholicisme avant un retour au judaïsme.

Clown de Dieu

On peut penser qu’avec des propos aussi illuminés, le chanteur tente de se persuader que ça va mieux (Darc est alors au zénith de ses addictions). Sur Nijinski, en 1993, tentative avortée de retour aux affaires, il se qualifie lui-même de « clown de dieu ». Et c’est bien ce qu’il paraît être. Mais sur les superbes Crève Cœur et Amours Suprêmes, Darc plonge au fond de lui-même et y trouve la lumière. Comme quand il chante, toujours sur Nijinski : « Je dessine un nageur vous le croyez noyé / Si je porte une fleur, vous la voyez fanée. »

On comprend alors que cette brebis au sabir de faux prophète ne fait que mener une inlassable quête de rédemption, trimballant sur lui (un corps ravagé et sur-tatoué) les stigmates d’une existence vécue aux limites : « C’est en Enfer que j’ai passé ma vie », confie-t-il sur J’irai au Paradis. Il y a quelques mois, sur un trottoir parisien, un ami est percuté par un type voûté, débraillé et chancelant comme un clodo, qui grogne étrangement dans un dictaphone. L’homme se retourne alors pour maugréer des excuses (ou des insultes). On jurerait Quasimodo à la dérive. C’est Daniel Darc, chemin de croix faisant.

DANIEL DARC, vendredi 30 janvier à 20h30, au Grand Théâtre de la MC2

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