Punk bâtard

C’est l’un des lives les plus attendus de cette fin de saison et pour cause : loin de se shooter à ses doucereuses effluves hype, le tandem de choc Sexy Sushi redéfinit les canons de l’électroclash en y rajoutant une grosse dose de punk. Et ça fait un bien fou. François Cau

Depuis que l’annonce du concert est officielle, la rumeur gronde dans notre morne cité. La propagation du son Sexy Sushi s’opère à une vitesse incontrôlable. Globalement inconnu jusqu’à janvier dernier, le duo est désormais attendu comme le loup blanc par tous ceux qui se sont repus jusqu’à l’ivresse de leurs morceaux emblématiques. Faut dire que le groupe cultive l’art de la connivence immédiate : sur des rythmiques électro délicieusement surannées et accrocheuses, des textes décalés, scandés avec rage ou susurrés avec une extrême langueur par une chanteuse se donnant corps et âme, s’occupent d’appâter le chaland en mal d’artistes frondeurs. Alors, certes, le coup de la fausse bimbo aguicheuse déclamant des salaceries sur des sons vintage, on nous l’a déjà fait (et on tente même, en ce moment, de nous la refaire à l’envers avec Simone elle est bonne et sa Garden Party). Mais Sexy Sushi n’entretient aucune similitude avec ce revival déjà obsolète des biatchs à la superficialité autoproclamée qui ont tant pourri nos charts dans les décennies écoulées. Non. Sexy Sushi, c’est une efficacité mélodique déconcertante embrassant à pleine bouche les spectres les plus obscurs de l’électro, c’est une frénésie textuelle sur la corde raide, entre poésie macabre, défonçage de tabous, et provocation admirablement dosée (écouter Rachida, ode SM à la future ex Garde des Sceaux, pour s’en convaincre), c’est enfin une attitude punk qui dévaste tout lors de la transposition scénique de ces délires musicaux de haute volée.

Qui es-tu, Sexy Sushi ?

Le duo prend gentiment soin d’entretenir son aura culte. En trois albums et une poignée de maxi autoproduits, Sexy Sushi s’est constitué une discographie truffée de classiques instantanés, aux titres subtilement évocateurs (J’encule, T’enflamme pas pétasse, L’idole des connes, le génial Rien à foutre…). Côté biographie, on nage volontairement en plein flou artistique. Rebeka Warrior et Mitch Silver se seraient rencontrés à l’époque des Chouans, et auraient scellé leur entente musicale dans un disquaire de Super U… On ne leur en veut presque pas : la création de ce surmoi artistique participe à l’aspect lourdement rentre-dedans de leurs compos, et contribue à séduire encore un petit peu plus les accros au second degré signifiant. Bon, en creusant un peu, on découvre que ladite Rebeka officie parallèlement au sein du duo de chanson folk Mansfield Tya, et que ledit Mitch fait partie du collectif nantais Valérie, dédié à l’exaltation des esthétiques majoritairement orientées 80’s. Et Sexy Sushi d’apparaître dès lors comme un side-project cathartique, où la miss peut sortir de l’intimité feutrée de ses autres compositions pour beugler sa haine et ses angoisses, tandis que son compère s’essaie à des expérimentations rétro particulièrement périlleuses. L’alchimie de ces deux univers donne au finish une impression de décompression totale, d’une recherche d’efficacité brute, dont l’absence de concessions rassure lourdement quant à l’usage efficient d’une provocation made in France.

Trash tout sur ton passage

Car derrière cette frénésie sonore tout ce qu’il y a de plus jouissive se cachent d’authentiques velléités punk, que ce soit dans les conditions d’enregistrement des morceaux, leur production et distribution, la tonalité très dark de certaines compositions (écouter le saisissant I’m afraid ou, dans une certaine mesure, l’hallucinant Cheval) ou encore dans les concerts de la formation. Rebeka Warrior et Mitch Silver y apparaissent généralement torses nus, le corps bardé d’inscriptions au marqueur, a priori dans des états seconds, se roulent par terre, apostrophent le public à coups de sentences non-sensiques («Dansez, dansez à l’intérieur de vous-mêmes»), le tout avec une générosité bordélique évitant soigneusement le caractère poseur tant redouté. Nul doute que leur performance au George V inscrira définitivement les soirées Just Fucking Sound au panthéon d’une night grenobloise qui a particulièrement besoin d’être secouée…

Just fucking sound avec Sexy Sushi
Samedi 18 avril dès 1h, au George V (before au Mark XIII dès 21h)

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