Au coeur de la lutte

Entretien avec Sophie Bernard de Technopol, association vouée à la promotion et la défense des musiques électroniques. Propos recueillis par François Cau

Petit Bulletin : Pourriez-vous me récapituler les raisons qui vous ont poussé à faire circuler cet appel à témoignage ?
Sophie Bernard : L’association Technopol s’est créée en 1996 suite à l’annulation d’une soirée qui devait se dérouler à la Halle Tony Garnier à Lyon. Les acteurs de la scène ont ressenti la nécessité de se fédérer pour faire évoluer l’image du mouvement techno et dialoguer avec les pouvoirs publics. La défense des organisateurs a ainsi toujours été une priorité de l’association. Il faut préciser que Technopol défend prioritairement les organisateurs qui ont fait le choix de la légalité ou en tout cas qui sont dans une démarche de professionnalisation. Le dancefloor est l’organe vital des musiques électro. C’est là où le public rencontre des artistes connus mais aussi et surtout émergents. Sans diffusion, donc sans soirées, les artistes, les labels, les disquaires, les organisateurs s’essouffleront et il ne restera que la partie la plus commerciale de la techno. Il est vital que tous les courants musicaux de l’électro (du dub à la drum’n’bass et à la trance…) puissent avoir accès à des espaces de diffusion, du terrain de plein air à la salle des fêtes municipale. C’est dans cet esprit que nous souhaitons avec Hadra en savoir plus sur la situation actuelle des organisateurs en France. Quel fut son écho, quels genres de réponses avez-vous obtenu ?
Pas assez sincèrement. Nous devons relancer l’appel. Nous pensions que la période estivale était propice à cet appel car c’est la période des teufs et des festivals, mais au final c’est aussi la période où les personnes sont les moins dispo, car en vacances ! Les réponses obtenues démontrent des difficultés à obtenir salle et autorisation. Cependant nous devons avoir des précisions de la part des organisateurs qui ont répondu, obtenir des documents écrits pour pouvoir amorcer un vrai état des lieux. Selon vous, l’image des musiques électroniques et des événements affiliés a-t-elle évolué dans l’inconscient collectif ?
Oui et de façon positive si l’on parle du grand public. Le succès de la Techno Parade en est une preuve. Il y a 10 ans, elle réunissait que des aficionados, aujourd’hui, l’électro fait danser dans toutes les chaumières. Cependant, sur le terrain, la parano et la diabolisation des événements électro sont réelles. Il est très difficile d’obtenir des autorisations quand on prononce le mot « techno ». Le mouvement subit toujours une image négative véhiculée par les médias à l’occasion des grands rassemblements comme les teknivals, qui restent des événements spécifiques et non représentatifs de l’ensemble des événements électro. Les pouvoirs publics sont toujours difficiles à convaincre.La situation a-t-elle atteint un seuil critique cette année particulièrement ?
Personnellement, vers les années 93-97, la situation me paraissait bien pire. Le mouvement techno subissait à l’époque une grande répression policière. Les pouvoirs publics s’appuyaient sur la circulaire de 95 "les rave parties, une situation à hauts risques" dont l’objet était l’interdiction de tout rassemblement diffusant de la musique électronique. En 98, grâce au poids médiatique de la Techno parade, Technopol a obtenu l’élaboration de l’actuelle circulaire sur "les manifestations rave et techno" qui supprime la discrimination musicale et reconnaît les musiques électroniques comme une culture à part entière. Reste le problème de la légalité des événements, les plus en marge qui refusent toute demande d’autorisation ou de déclaration peuvent toujours être victimes de grandes violences policières. En fait aujourd’hui, le système est plus pernicieux. On vous empêche de faire la soirée. Le motif « techno » n’apparaît plus mais on invoque le « risque de trouble à l’ordre public », on colle des barrages de polices qui réfrènent le public pour venir à la soirée... La situation est différente d’il y a 15 ans, mais reste critique. Aujourd’hui, ce qui est grave, c’est le ras le bol des organisateurs (ayant fait le choix de la légalité) qui d’un côté voient des teknivals « autorisés » et de l’autre des gros festoches subventionnés, alors que eux galèrent à avoir un terrain ou une salle municipale pour une soirée de taille moyenne... Au final, soit ils abandonnent leurs projets, soit ils choisissent le maquis techno...Gardez-vous espoir quant à une éventuelle prise de position du Ministère de la Culture sur le sujet ?
Oui. Le ministre vient à la Techno Parade samedi 19 septembre prochain. Nous espérons d’ici là échanger avec son cabinet et obtenir une date de rendez-vous pour lui présenter les acteurs et la scène électro. Sinon, on lui en parlera en live le jour J devant les caméras. Ça fait toujours son effet...

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