« On n'est pas Led Zeppelin »

Avec leur électro lounge envoûtante d’une grâce évidente sur album, le groupe français Air s’est fait une solide réputation internationale. Leur "french touch" sera de passage à Grenoble cette semaine : l’occasion rêvée d’aller titiller Jean-Benoît Dunckel, moitié du duo. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Le groupe Air en concert ? Au vu des expériences passées des différents rédacteurs du Petit Bulletin, la circonspection est de rigueur. Car un concert de Air, aussi défendable que puisse être leur musique (on y reviendra), n’est pas forcément un moment d’une extrême intensité. Cachés derrière leurs instruments et leurs vocodeurs (machine fabriquant un son synthétique à partir d’une voix), les pas très charismatiques Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin offrent généralement des shows policés tout en retenue, difficilement appréhendables – on se souvient ainsi, au festival lyonnais des Nuits de Fourvière 2007, d’une soirée un brin soporifique. Prenant conscience du problème, le duo s’est depuis transformé en trio sur scène, s’adjoignant les services du batteur Alex Thomas (qui bosse notamment avec Bat for Lashes). «En jazz, le trio, c’est toujours exceptionnel : chacun a son rôle, chaque instrument remplit l’espace sonore. On voulait arriver à rendre notre musique claire, qu’il n’y ait plus de bouillabaisse musicale, plus de soupe compliquée, mais quelque chose de très simple» nous explique ainsi Jean-Benoît Dunckel, de façon étonnement franche. «On s’est améliorés en live !». Air serait donc sur le point de devenir un véritable groupe de scène, alors que les deux musiciens semblent plus à l’aise en studio que sur un grand plateau où ils n’arrivent pas à dissimuler un certain mal-être ? «Notre musique est beaucoup plus intéressante en studio qu’en live, on va plus loin dans le son… Après, je ne dis pas que les concerts de Air sont ratés… Mais notre style ne s’y prête pas forcément… On n’est pas Led Zeppelin !».

Touche-moi à la française

Direction le milieu des années 90. Le groupe Air – acronyme de Amour, Imagination, Rêve – débarque avec leur son vaporeux et aérien à la croisée de l’électro lounge, du rock psyché et de la pop. Et forme ainsi, avec d’autres artistes (Daft Punk, Laurent Garnier, St Germain…) ce que les anglophones baptiseront très rapidement la "french touch". «C’est le public qui a créé la "french touch". Il avait besoin d’un nouveau truc à cause d’un tassement de style dû à l’essoufflement de la "britpop" en Angleterre. C’est donc la musique électronique qui a pris le relais, avec une nouvelle version, plus moderne, du disco et de la musique club, qui coïncidait alors avec l’ouverture de tout un tas de places et d’hôtels lounge. Cela correspondait à un pic de prospérité en Europe, et notamment en Angleterre. Il fallait donc une musique pour ces Golden Boys qui rentraient de soirée très tard. Une musique tripante, qu’on écoutait dans les hôtels, en faisant l’amour ou en prenant des acides !». Les productions de Air rentrent donc pleinement dans les cases du genre, grâce à tout un travail sur l’intemporalité de leur son – «on essaie de ne pas trop dater la musique, qu’elle soit universelle. Quand on arrive à ça, on est contents !». Pari réussi dès leur premier album sorti en 1998, qui connut un succès international considérable pour une formation française. Moon Safari est ainsi un écrin renfermant des perles rares, dont une bonne moitié uniquement musicale. Et notamment le tube qui lancera leur carrière, l’incontournable Sexy Boy. La machine s’enclenche. Les albums s’enchaînent (dont le passionnant 10 000 Hz legend), ils collaborent avec différents artistes (Sofia Coppola, Charlotte Gainsbourg ou encore l'écrivain italien Alessandro Barrico…) : le succès ne les quitte plus. Si leur approche varie selon les périodes et les albums (son plus ou moins acoustique, utilisation ou non du vocodeur, …), leur œuvre reste homogène et extrêmement identifiable. La preuve avec Love 2, leur dernière livraison qu’ils défendront lors de leur concert grenoblois.

«Ainsi vont les modes»

Air est donc sorti du moule réducteur "french touch" pour voler de ses propres ailes. «Après quelques temps, la "french touch" est passée. Ainsi vont les modes. Aujourd’hui, les groupes que l’on pourrait rapprocher de ce courant – Phoenix, Justice… – marchent aussi à l’étranger, mais la mode internationale ne les englobe pas. Ce qui cartonne en ce moment, c’est Lady Gaga et les trucs comme ça…». Air, groupe dépité par la tendance actuelle ? «Non, on est toujours à l’écoute des nouvelles choses. La musique électronique notamment : un secteur à la pointe – tout est électronique maintenant –, une musique qui fait évoluer les choses. C’est le fleuron de la pop, du rock et de tous les autres styles.» Récemment, le duo s’est offert son propre studio, en plein Paris. «Depuis qu’on a créé Air, on a toujours voulu avoir notre propre studio. Ça fait aussi partie de la recherche du son de Air, où la texture est très importante». Des esthètes musicaux en somme, inégaux mais passionnants.

AIR + Yan Wagner
Vendredi 19 novembre à 20h30, à la MC2.

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