David Eugene Edwards (Wovenhand) : mystique rêveur

A l’occasion de son passage à la Bobine, entretien avec David Eugene Edwards, frontman investi de Wovenhand, «prêcheur itinérant» d’une country folk gothique sous forte influence biblique, mais qui ne donne pas dans le prosélytisme.

Petit Bulletin : Vous dites que votre musique vous est inspirée par votre foi, mais pour un non-anglophone, le résultat est avant tout très sombre. Ce n’est pas un peu paradoxal ?

David Eugene Edwards : Je ne sais pas (rires)… Je suis juste heureux de faire la musique que j’aime. Ce que j’écoute, ce qui m’inspire est plus versé dans la mélancolie que pour la majorité des gens, je suppose, mais ça fait partie de ma personnalité. Ça ne veut pas forcément dire que ma musique est tout le temps triste, je cherche avant tout à faire passer ce sentiment de mélancolie, et j’imagine que les personnes qui l’écoutent partagent ce genre d’impressions…

Vos albums vont de plus en plus dans cette direction, au point de sonner presque désespérés…

C’est vrai que le monde actuel ne peut pas vraiment enjoindre à autre chose que de la mélancolie ! Je veux dire, la manière dont les gens se traitent, cette régression de la condition humaine… Je comprends mieux qu’on puisse se reconnaître dans ma musique…

En regardant votre performance au festival Musique en Stock l’été dernier, je me demandais si vous étiez dans une sorte de transe mystique à la fin du concert ?

J’ai pour habitude de laisser les chansons m’emporter là où elles veulent m’emmener, j’expérimente les morceaux au même titre que les personnes du public, j’ai l’impression de faire partie de la foule au sens où… C’est un peu dur à expliquer… Je peux partir très loin, c’est… J’ai du mal à mettre des mots là-dessus, désolé.

Je vous demandais ça parce que par exemple, vous gardez les yeux fermés pendant la grande majorité du concert…

Je dois avouer que je ne suis pas très à l’aise sur scène, j’essaie de faire vraiment attention à ma façon de jouer, de chanter, ce n’est pas très facile pour moi, j’y consacre toute ma concentration. Et ça m’aide à être plus attentif aux autres musiciens, à me laisser vraiment porter par l’ensemble.

Vous êtes un artiste entier, très atypique, quelles sont vos relations avec votre label ?

J’ai assez peu de contacts avec eux. Les personnes avec qui je communique sont des gens qui aiment ma musique, bien sûr, ce qui aide, d’autant que je ne veux pas me préoccuper de business mais juste me concentrer sur l’aspect artistique. Je leur fais confiance, et dans une certaine mesure je pense qu’ils me font confiance aussi. On ne vend pas beaucoup de disques, on ne passe pas vraiment à la radio ou à la télé, nous faisons avant tout de la scène et c’est là-dessus que se construit notre parcours, notre relation avec le public. Donc pour ce qui est des labels ou des clips, ce sont des choses dont je ne me préoccupe pas.

Vous avez collaboré avec le chorégraphe Wim Vandekeybus, qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

Travailler avec une compagnie comme la sienne est une chose qui ne m’aurait jamais traversé l’esprit, c’est un univers très différent du mien. Il est venu à un concert à Bruxelles sur les conseils d’un ami, qui lui a dit que ça pourrait l’inspirer pour sa prochaine pièce, la musique lui a plu, on a parlé un peu après le show ; je n’étais pas vraiment convaincu mais il m’a donné des vidéos de ses spectacles précédents. En les regardant, je me disais qu’on avait plus de points communs que je ne l’aurais cru, dans l’approche de nos arts respectifs, nos façons d’exprimer des émotions concrètes par des voies assez abstraites. Il m’a laissé le champ libre, ça a un peu bousculé ma façon de composer mais ce n’était pas plus mal de me retrouver, pour une fois, dans une situation où je n’avais pas totalement le contrôle, ou de faire passer d’autres émotions dans ma musique…

Dans vos interviews et parfois dans vos écrits, vous évoquez régulièrement l’Amérique d’autrefois, notamment par le biais de vos racines indiennes… Quel regard portez-vous sur votre pays, aujourd’hui, en tant que nation ?

Ce n’est pas un pays qui est très intéressé par ses racines. Ses habitants ne veulent pas regarder le passé ou l’interpréter, mais aller de l’avant avec leurs jolis ordinateurs et téléphones, ce qui les distrait et les éloigne les uns des autres. C’est très symptomatique de ce monde qui fonce dans des technologies aliénantes… Je ne veux pas non plus avoir l’air sentencieux en disant ça, j’ai de bonnes relations avec les gens, des interactions enrichissantes. Ce que je dis sur les Etats-Unis vaut aussi pour l’Europe, qui a une culture et une Histoire plus développées mais qui adopte également ce style de fonctionnement, qui donne l’impression de se projeter dans l’avenir mais qui laisse en fait de plus en plus de gens sur le côté. C’est très étrange, et ça ne me plaît pas…

Wovenhand
Dimanche 12 décembre à 20h30, à la Bobine

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