La maison Brûle

Juste avant l’enregistrement de son quatrième album, H-Burns se lance dans une nouvelle aventure musicale avec Chris Bailey, mythique chanteur des non moins mythiques The Saints. Portrait du “ministre du folk drômois“ à l’occasion de son passage à l'Ampérage cette semaine. François Cau

Avant de se faire connaître sous un pseudo (“la cendre brûle“) dont il est de bon ton de laisser le sens à l’appréciation de chacun, Renaud Brustlein a eu plusieurs vies. L’ado s’est chauffé les doigts dans un groupe de hard rock, le jeune adulte a squatté la cabine de projection et la programmation d’un cinéma de Romans-sur-Isère, l’éternel immature s’est consumé dans diverses formations valentinoises comme Don’t Look Back ou Fuck Me Baby, toujours prêt à donner de sa voix. L’un de ses atouts de taille, brisée quand il faut l’être, pivot d’une poésie que chacun réinterprète pour soi, claquant la langue anglaise sans ce côté éternellement forcé des frenchy prompts à bousculer les rimes pauvres pour les faire entrer dans un éther replié sur lui-même. Au travers de ses multiples expériences, Renaud a toujours oscillé vers l’esthétique folk comme repère essentiel. Dylan, évidemment, mais aussi Jason Molina, Josh Pearson ou, pour des collaborations occasionnelles, Syd Matters ; sans tourner le dos à l’indie-rock ou les ambiances lo-fi de Smog, Sparklehorse, Neutral Milk Hotel, Pavement ou Sebadoh. Du folk, il fuit les grands clichés incunables. L’évocation des grands espaces, le fantasme d’une americana épurée, très peu pour lui. Son interprétation du genre est entière, doit s’imprégner d’un vécu sublimé ou ébréché, et le transmettre en quelques notes et paroles. Non pas qu’il ait une si haute estime de son parcours personnel, c’est tout bonnement la seule méthode qui lui permette d’envisager son art avec sincérité.

Monsieur Burns

Il suffit de lire d’une traite les titres de ses différents albums pour s’inventer une multitude d’histoires qui, toutes à leur façon, permettraient de raconter l’artiste. Ce qu’il fait dès son premier album solo, Songs from the electric sky, expérience sans filet où il se livre à un périlleux exercice d’introspection, quasiment seul à la guitare. Il monte en puissance sur son disque suivant, How strange it is to be anything at all (titre emprunté à la sublime chanson In the aeroplane over the sea de Neutral Milk Hotel), s’entoure de musiciens qui non contents de comprendre son univers, vont le porter vers le haut, le sortir de la sinistrose dans laquelle il aurait pu s’engoncer à grands coups de bouteilles de whisky, et le compléter efficacement. Déjà largement perceptibles dans son premier opus, ses qualités d’écriveurs de chansons (de songwriter, comme disent les jeunes) explosent ici avec une ampleur nouvelle dans des morceaux comme Big city blues, Daylight vs you ou l’incontournable Horses with no medals. Sorti une petite année plus tard, We go way back (inspiré quant à lui d’une réplique de Tony Soprano !) puise encore plus dans une veine autobiographique, tous les morceaux se nourrissant d’une relation dont l’album se fait le souvenir amer gravé dans le vinyl, du terrassant titre éponyme en ouverture au Melting point final. On n’est cependant pas dans la référence impudique pour happy few : la puissance mélodique et poétique de l’album comme son prolongement scénique touchent immédiatement, au point que certains spectateurs affirment très sérieusement que c’est leur propre histoire que Renaud a raconté dans ce disque…

Un Saint auquel se vouer

Tout musicien qui écume les routes et les scènes ne manque pas de faire des rencontres avec ses pairs et modèles, engrange les promesses de collaborations, noyées dans les volutes alcoolisées et évaporées au bout de quelques heures. Cependant, quand Renaud croise le chemin de Chris Bailey, chanteur de la légendaire formation rock The Saints, en lieu et place de l’icône punk qu’il s’était figuré, il tombe sur un charmant dandy, avec lequel il va concrétiser un projet d’album commun. Enregistré il y a un an selon des règles strictement démocratiques (le groupe sera formé de deux membres des Saints et de deux membres de H-Burns, Renaud et Bailey chantent un morceau sur deux), Stranger sortira le 12 septembre, et s’accompagnera d’une première tournée française, rôdée par une date au Cabaret Frappé en juillet dernier. Orienté classic rock, le disque trouve toute sa saveur sur scène, où l’étonnant mix générationnel de la formation fonctionne au point que le public du festival grenoblois reprenait en chœur (et en yaourt !) des refrains qu’il ne connaissait pas deux minutes plus tôt. L’occasion de se mettre en jambe avant le grand saut de janvier prochain : l’enregistrement du quatrième album de H-Burns chez le fameux producteur Steve Albini.

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