À coeur ouvert

Thomas Belhom + Françoiz Breut

La Bobine

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Quatre ans après "À l'Aveuglette", Françoiz Breut est de retour avec "La Chirurgie des Sentiments" et un concert à la Bobine. À l’occasion de son passage à Lyon en septembre, elle se confiait de bon cœur sur ce disque du changement dans la continuité. Et sur le reste : la musique, l'écriture, la vie, Bruxelles... Propos recueillis reçus par Stéphane Duchêne

La Chirurgie des sentiments est un titre qui pourrait facilement résumer votre discographie...
Françoiz Breut : Sans doute parce que je continue d'y décortiquer le sentiment amoureux. Mais j'y parle aussi de plein d'autres choses (rires). Je travaille un peu par phases : les idées arrivent et d'autres par-dessus, puis elles reviennent. Je construis mes textes et mes albums à partir de cette succession d'idées. Quant à la chanson qui donne son titre à l'album, elle parle du fait qu'on a beau essayer d'être rationnel, le cœur est toujours là qui nous fait faire des choses auxquelles on n'aurait pas forcément pensé. Et c'est très bien, parce qu'au fond, on en a besoin.

Le premier titre de l'album, BXL Bleuette, est consacré à Bruxelles, où vous vivez. L'amour des villes, la géographie, le voyage, c'est une autre constante de votre œuvre...
C'est vrai : depuis le premier disque, je suis passée par Tarifa, par Portsmouth, par Dunkerque. J'ai aussi parlé des villes en général dans La ville allongée sur le dos. Cette chanson sur Bruxelles, c'est une déclaration d'amour à cette ville qui m'a happée depuis douze ans. Après toutes les chansons qui lui ont été consacrées, de Brel à Dick Annegarn, j'étais contente de pouvoir faire la mienne, d'y dire ce que je ressens de cette ville, ce qu'elle est aujourd'hui.

Comme premier extrait de ce disque, vous avez choisi une reprise, en l'occurrence Werewolf de Michael Hurley... Pourquoi une reprise et précisément celle-ci ?
J'aimais bien l'idée, moi qui chante la plupart du temps en français, de mettre en avant une chanson en anglais. J'ai découvert Michael Hurley sur le myspace d'Alela Diane et je me suis demandé, en écoutant cette chanson, pourquoi elle n'était pas plus connue que ça. C'est vraiment un classique avec une mélodie magnifique. Je l'ai beaucoup jouée en concert, très dénudée, je veux dire la chanson, pas moi (rires)... J'ai ensuite découvert qu'elle avait été reprise par Cat Power, Violent Femmes... C'est une chanson sur les loups-garous et, même si je ne sais pas trop ce que Michael Hurley a voulu y mettre, j'ai choisi d'y voir une métaphore sur l'étranger qu'on doit apprendre à connaître plutôt que de s'en méfier.

Comment s'est déroulée votre collaboration avec Stéphane Daubersy qui a réalisé cet album avec vous ?
Stéphane avait terminé avec moi la tournée d'À l'Aveuglette (2008). Je n'avais jamais été dans la création avec lui. En fait, tout est parti d'une manière différente de travailler. Avant, j'avais mes textes et j'essayais de trouver des mélodies en guitare-voix ou piano-voix. Là, j'avais envie de quelque chose de plus ludique. Je suis allée piocher dans ma collection de 45 tours utilisés sur scène pour des interludes : des bruitages, des extraits musicaux, des publicités, des cours d'anatomie... On en samplait de petits extraits. Je chantais aussi des mélodies à Stéphane qui les reproduisait et on est partis de cette base-là. Ça s'est fait un peu comme un jeu, un ping-pong, une succession de collages, de bricolages, d'où est sortie une grosse matière musicale. Plus importante même que les textes que j'avais à disposition !

Quelle a été la touche apportée par le producteur Nicolas Laureau aka Don Nino ?
J'ai fait appel à lui parce qu'il a cette double-casquette de jouer dans un projet acoustique plutôt influencé par Nick Drake ou Syd Barrett et, avec son frère qui a mixé l'album, dans une formation plus expérimentale et électronique [NLF3, Ndlr]. Nicolas a apporté beaucoup d'idées, notamment celle de ne pas ré-enregistrer tout le matériel musical que nous avions sous forme de démos, mais de partir directement de ces sons, chose à laquelle nous n'avions pas pensé. Ça a beaucoup influencé l'atmosphère de l'album, ainsi que la structure des morceaux et même de mes textes.

Au début de votre carrière, vous n'étiez qu'interprète... Comment est venue l'écriture, et comment êtes-vous parvenue à garder une cohérence avec vos albums d'avant À l'Aveuglette, votre premier en tant qu'auteur ?
Pour ce qui est de la cohérence, quand je travaillais avec des auteurs, j'étais quand même attachée à un certain style d'écriture, aux mots que j'avais envie de porter. Bien sûr, j'ai eu très peur de me lancer dans l'écriture et d'avoir à être comparée avec des auteurs reconnus et doués. Ça a d'ailleurs été très difficile de chanter les premières chansons que j'avais écrites moi-même, alors que pour moi l'interprétation est un exercice facile. Mais une fois passée cette barrière, c'était un vrai plaisir de voir le squelette d'une chanson prendre forme, de constater qu'après un travail qui peut être long, ça fonctionne.

Vous avez longtemps eu une image de «deuxième voix», via de nombreux duos et collaborations – de Dominique A à Calexico, en passant par Julien Ribot, Yann Tiersen, Louise Attaque et plus récemment Fránçois & the Atlas Mountains... Comment expliquez-vous que vos pairs vous réclament à ce point ?
Il faut croire que mon timbre de voix est apprécié (rires). C'est vraiment une chance d'avoir eu toutes ces propositions. J'aimerais d'ailleurs qu'on m'en fasse beaucoup plus et les plus variées possibles, au-delà même du rock et de la pop. Chacune de ces expériences est intéressante parce qu'elle me permet de voir comment on peut utiliser la voix, la manière dont elle peut être transformée par la langue, la musique.

Dans quelle mesure ces expériences ont-elles enrichi votre propre inspiration ?
C'est toujours difficile de déterminer comment les influences se traduisent concrètement, même si un titre comme Les Jeunes Pousses sur À l'Aveuglette porte clairement la marque de Calexico. Je pioche forcément des idées à droite à gauche. Mais pour moi ce n'est pas encore suffisant, je ne vais pas encore assez vite dans les compositions. Quatre ans entre chaque disque, pour moi ce n'est pas assez, je ne produis pas suffisamment de morceaux, il faut encore travailler (rires).

C'est ce qui explique que vous n'ayez produit que cinq albums en quinze ans ?
D'abord, il y a le fait que je suis également illustratrice, mon premier métier. J'ai aussi des enfants. Pour moi, quatre ans c'est hyper rapide. Et puis, un disque ne s'arrête pas comme ça tout de suite : même si on n'entend plus parler de nous, on continue à faire des dates. Après À l'Aveuglette, il y a eu des tournées jusqu'à fin 2009 puis une petite tournée aux États-Unis, et entre les deux, des dates régulières. On peut rapidement être happé par une spirale infernale de concerts, jusqu'à en perdre le plaisir, tellement c'est usant. C'est une vie palpitante mais qui peut vous anéantir. Je suis parfois obligée de faire des pauses pour me ressourcer, parce que physiquement je ne tiens pas le coup.

Au départ, vous vous destiniez plutôt à l'illustration... Comment la musique, rencontrée par hasard, est-elle devenue indispensable à votre vie ?
C'est vrai que la musique n'était pas du tout un rêve de petite fille. Mais c'est aussi ce qui est chouette dans la vie. Les rencontres hasardeuses font que les événements d’une vie tiennent à peu de choses et c'est très excitant. Très vite, j'ai pris goût à la scène. C'est physique, quand j'arrête de faire des concerts, il y a un truc très étrange qui se passe : j'ai l'impression que tout s'arrête, même si je fais d'autres choses par ailleurs. La musique m'est devenue nécessaire pour appréhender la vie. Désormais, je ne peux plus m'en passer.

Françoiz Breut + Thomas Belhom, jeudi 21 février à 20h30 à la Bobine

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