Cabaret frappé jour 2 : explosion fauve

C’était la soirée la plus attendue du festival, la seule à afficher complet depuis des semaines. Elle a tenu toutes ses promesses, avec un Lescop à l’aise et – surtout – un collectif Fauve électrique. Aurélien Martinez

En 2002, sur son premier album Ceci n’est pas un disque, le groupe de hip-hop décalé TTC livrait l’un de ses meilleurs titres : De pauvres riches. « Putain c’est la merde / Pourquoi tu dis ça ? / Chez moi c’est la misère / Ah ouais t'as trop raison / Ici c’est la galère / Reprends du champagne man, de toute façon ce week-end on se barre sur la côte. » Il y a de ça chez le collectif Fauve : un côté problèmes de riches scandés façon rappeur sur une musique très rock. Un truc à n’écouter qu’au premier degré comme on l’écrivait ici (même si les parodies sont nombreuses sur le web).

« Nique ta mère le blizzard » hurle d’ailleurs, comme un jeune du XVIe parisien en pleine rébellion, le survolté meneur du collectif, qui n’hésite pas à ouvrir le concert avec le titre Saint Anne. « Enfin voilà, je vous dresse le tableau : je suis né dans une famille plutôt aisée / J’ai toujours été privilégié / J’ai jamais manqué d’amour, ni de rien d’autre d’ailleurs / Même si ma mère, qui vient quand même d’un milieu assez populaire, était parfois un peu sévère avec mes frères et moi. » De pauvres riches, vraiment. Et alors ?

Et alors, oui. Car sur scène, tout ce qui pourrait paraître pour de la posture ou du vide prend littéralement forme. Sur scène, le quintet Fauve assure. Devant un public conquis d’avance (et beaucoup plus jeune que la veille), dans une pénombre arty, avec projection de films en fond, censée ne mettre en avant aucun des membres (même si on n’a d’yeux que pour le cracheur de mots), Fauve enchaîne les titres avec une maîtrise tant musicale qu’expressive. Autant de scuds envoyés à un public qui en redemande, le sommet étant atteint sur le morceau Nuits fauves. « Offre-moi dès ce soir / Ta peau brune et tes lèvres mauves / Tes seins tes reins tes cheveux noirs / Et qu’on se noie dans les nuits fauves. »

Il est de bon goût de cracher sur Fauve, de dire que le groupe n’a rien inventé (ce qui est en partie vrai) ; et alors ? Mardi soir, au Cabaret frappé, le collectif a tout simplement prouvé qu’il n’était pas qu’un buzz sans consistance, mais un véritable groupe de scène. Un excellent groupe de scène même.

Avant Fauve

Être un buzz sans consistance, c’est un peu ce que l’on pouvait reprocher à Lescop. Lors de son concert en mai 2012 à la MC2, en première partie de Charlotte Gainsbourg, il nous avait laissés sur notre faim : ses morceaux à mi-chemin entre du pop-rock français à la Daniel Darc et la scène cold-wave anglaise à la Joy Division et consorts (comme on l’écrivait ici) n’arrivaient pas à dépasser le cadre de l’album, s’affadissant même sur scène en donnant l’impression de tous se ressembler.

Mais ça, c’était en 2012, au début de la nouvelle carrière de Lescop. Un an plus tard, et pas mal de concerts après, Lescop est un autre homme. Sur scène, Lescop est le patron, et sa mine renfermée et sombre qui pouvait apparaître comme une posture séduit pleinement ici, surtout quand elle se confronte à l’énergie vénéneuse de ses musiciens. Sous le chapiteau du Cabaret, ne reste plus alors à Lescop qu’à dérouler ses hits (dont son efficace La Fôret) avec conviction, pour chauffer le public avant Fauve. Mission accomplie.

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