Jeff Mills et une nuit

Jeff Mills + François X - COMPLET

La Belle Électrique

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

De passage à la Belle électrique le temps d’une soirée (déjà complète), Jeff Mills est, n’ayons pas peur des mots, une véritable légende de la musique électronique, à la fois technicien hors pair, artiste inspiré et figure historique de la scène techno de Détroit. Portrait. Damien Grimbert

Pour se faire une idée du talent de Jeff Mills et comprendre le potentiel de fascination qu’il a engendré au sein de la scène électronique mondiale depuis plusieurs décennies, le mieux est sans doute de faire un bond vingt ans en arrière et d’écouter son tout premier CD mixé sorti en 1996, Mix-Up Vol. 2, Live at Liquid Room, Tokyo. On trouve en effet dans ce dernier tout ce qui fait la quintessence d’un DJ-set de Mills : un mix acéré réalisé en direct sur trois platines dans lequel les morceaux, tous mémorables, s’enchaînent à la perfection et à la vitesse de l’éclair. Un son, sombre, dur et sans compromis, mais pourtant doté d’un sens du funk et d’une puissance d’évocation sans équivalent, qui transporte immédiatement l’auditeur dans un univers sonore futuriste palpitant aux allures de véritable chaos organisé.

Pour mieux appréhender le rôle pionnier de l’artiste au sein du mouvement techno, il faut en revanche remonter encore une dizaine d’années plus tôt, dans une ville de Détroit touchée de plein fouet par la récession économique. C’est à cet endroit, et à ce moment, que trois jeunes artistes noirs de la banlieue périphérique de Belleville, Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson, vont signer l’acte de naissance de la techno. Conjointement influencés par la littérature de science-fiction, l’atmosphère post-industrielle de leur ville et l’émission de radio iconoclaste d’un DJ surnommé The Electrifying Mojo (qui se plaisait à alterner à l’antenne le P-Funk de George Clinton et la pop synthétique de Kraftwerk et autres artistes européens), les « Belleville Three » créent ainsi une musique électronique dansante, sombre et répétitive, sorte de reflet fantasmé de l’environnement dans lequel ils évoluent. Une voie encore inexplorée dans laquelle ne va pas tarder à s'engouffrer toute une nouvelle génération d'artistes, au premier rang desquels Carl Craig, Octave One ou encore... Jeff Mills.

Ombre et lumière

Déjà DJ radio renommé pour son habileté aux platines (qui lui vaut le surnom de The Wizard), Jeff Mills va à la fin des années 1980, aux côtés de ses amis Mike Banks et Robert Hood, écrire un nouveau chapitre de ce genre encore naissant, en créant le collectif Underground Resistance. Porté par un son plus dur, plus rapide et plus dépouillé, le collectif est également porteur d’un propos ouvertement subversif et engagé politiquement, qui va fusionner les revendications de la communauté noire de Détroit à la science-fiction dystopique des trois pionniers, prolongeant ainsi l’œuvre afro-futuriste du jazzman Sun Ra.

Au début des années 1990 enfin, Jeff Mills délaisse progressivement Underground Resistance pour se lancer dans une carrière solo et créer son propre label Axis, basé à Chicago. Après plus d’une dizaine d’années passées entre New York, Chicago et Berlin, il s’installe ensuite au début des années 2000 à Paris pour s’ouvrir à de nouvelles expériences. Sans délaisser le deejaying et la techno pour autant, il touche ainsi progressivement à la musique de film, à l’art contemporain et à la création multimédia, lancé dans une quête incessante pour trouver de nouveaux canaux à sa créativité débordante. Une véritable renaissance artistique pour Jeff Mills, qui, a désormais cinquante ans passés, ne semble définitivement pas prêt de se reposer sur ses lauriers.

Jeff Mills et François X, samedi 20 février à la Belle électrique (complet)

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