Jeff Mills : symphonie électronique

Planets !

MC2

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Techno / C’est parti pour la septième édition des Détours de Babel, exigeant festival de « musiques du monde, jazz et musiques nouvelles ». On a disséqué la (foisonnante) programmation, et on en a sorti plusieurs coups de cœur. Dont la double venue de l’immense Jeff Mills, véritable pape de la techno, pour un concert symphonique à la MC2 et un DJ set à la Belle électrique. Portrait en amont.

« Je crois que nous sommes un peu responsables si notre musique est encore trop souvent uniquement associée à la danse. Il faut une volonté énorme pour changer une image dont après tout nous pourrions parfaitement nous satisfaire » lâchait Jeff Mills à Libération, en octobre 2000, alors qu’il venait d'interpréter au Centre Pompidou sa propre vision de la bande son du mythique chef-d'œuvre de Fritz Lang, Metropolis. Une date charnière.

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L’un des pionniers de la musique techno brisait alors l’idée du BPM roi, art du rythme et du bruit qu'il maîtrisait à merveille depuis de longues années, depuis ses premiers pas dans les années 1980. Art de la danse en pleine conversion "populaire" qui portait vers l’extase des heures durant, lorsque nous nous abandonnions en rave, ces grands sabbats de l’ère digitale dont il était le roi.

Le sorcier, plutôt...

Depuis sa mythique émission sur la radio WDRQ à Détroit, il était surnommé The Wizard (le sorcier). L’homme surhumain, technologique, aux pouvoirs magiques capables de dompter les platines avec une dextérité hors du commun, d’enchaîner les sons avec une rapidité hors-norme. The Wizard est vite devenu légende d’un monde trop étroit pour lui.

Déjà, co-fondateur de Underground Resistance avec Mad Mike en 1990, il s’en était vite échappé, à peine deux ans plus tard. Jeff Mills voit toujours plus loin, plus vite que les autres. Pas seulement pendant qu’il mixe. Metropolis était un premier pas dans ces chemins de traverse qu’il n’a cessé d’arpenter jusqu’à aujourd'hui : à la MC2 pour Les Détours de Babel, il va ainsi diriger un orchestre symphonique interprétant The Planets, une suite de dix pièces qu'il a composée en 2014, faisant écho à la symphonie Les Planètes de Gustav Holst, imaginée en 1914. L'espace, la science-fiction, inévitablement, l'attirent. Son œuvre comme sa démarche l'inscrivent avec certitude dans le courant afro-futuriste, aux côtés d'un Sun Ra ou d'un George Clinton.

Mais s’il cherche sans cesse à inventer et à se transcender (Les Trois âges de Buster Keaton, une carte blanche au Louvre où il remonta et habilla musicalement L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot, ou déjà un concert avec l’Orchestre Philharmonique de Montpellier en 2005, qui réinterprétait alors ses classiques...), le natif de Détroit n'a pourtant jamais délaissé les platines, continuant sans cesse d'arpenter la planète pour délivrer des DJ sets intenses, étirés au maximum et... habités, tout simplement.

L’artiste, surtout…

Jamais il ne prend à la légère ce métier de DJ, tentant parfois de le réinventer au travers de concepts (sa série de soirées Time Tunnel récemment) ou poursuivant sa quête de l'infini en enchaînant ses tracks les plus incendiaires (quiconque n'a jamais dansé les bras en l'air sur The Bells a raté sa vie) avec les productions les plus intenses de la scène actuelle et passée. Par là, il rappelle que la techno n'est pas très éloignée des sérigraphies multipliées au possible d'Andy Warhol et du pop art, cet frange de l'art si populaire comme l'est aujourd'hui cette musique, tout aussi proche du "commercial" : ne s'écoute-t-elle pas en masse dans des boîtes de nuit face à un public parfois déconnecté de l'histoire même de cette musique, comme l'on affiche une reproduction de Warhol dans une cuisine pour ses couleurs vives ?

Les vinyles, dont il se sert pour créer son propre feeling au fil de l'histoire qu'il raconte par ses enchaînements, s'apparentent aux ready-made de Marcel Duchamp, qu'il agence au gré d'un flux maîtrisé au fil du mixe comme un monteur de cinéma, le perturbant par l'irruption de ses inévitables ajouts live de TR-909, cette boîte à rythmes mythique de Roland devenue son emblème, sa Stratocaster à lui, au point d'en offrir quasi-systématiquement un solo en cœur de nuit.

À La Réunion, lors du festival Les Electropicales, approchant les trois heures de set (il refuse de jouer moins longtemps), on le vit réclamer quelques instants en plus, poliment. Et encore. Et solliciter un dernier disque... L'heure de clore le festival était dépassée depuis trente minutes. Il stoppa, rangea, remercia et disparut dans la nuit. Cet homme maîtrise les fluxs, mais aussi le temps qu'il sait étirer comme personne, en répétant ses motifs sonores à l'envi, jouant des nuances infimes, des progressions subtiles, rejetant la rupture nette pour mieux construire au millimètre près son édifice : c'est un architecte (il fut étudiant dans cette discipline), mais aussi et surtout un plasticien maîtrisant parfaitement sa "géométrie sonore".

Planets
À la MC2 vendredi 31 mars à 20h30

Jeff Mills – DJ set
À la Belle électrique samedi 1er avril à 23h

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