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Avec Nous ne sommes pas des oiseaux, trois « opus » élaborés autour du thème de l’envol, la danseuse et chorégraphe Sylvie Guillermin fête magnifiquement les vingt ans de sa compagnie. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : En cette année anniversaire, Nous ne sommes pas des oiseaux apparaît comme une sorte de bilan…
Sylvie Guillermin : Bilan, le mot est un peu fort car sur vingt ans, on a tellement fait de choses qu’il est difficile de tout rassembler dans une seule pièce. J’ai donc pris un thème qui m’est cher depuis le début : celui de l’envol, de la recherche de liberté. C’est ce qui relie les trois opus, un duo et deux solos.Trois opus tout de même très différents les uns des autres…
J’ai essayé de travailler autour de trois axes : le lien avec la musique d’abord, qui est très important dans mon parcours – je joue moi-même du saxophone –, que ce soit de la musique improvisée ou écrite. Pour le second opus, je suis revenue à la verticalité, le point de départ de mon travail de chorégraphe qui était un solo d’une demi-heure sur une perche verticale de quatre mètres que j’ai joué pendant vingt ans (jusqu’à l’année dernière). J’ai eu envie de transmettre cette matière, mais en la recréant totalement pour un jeune interprète, Rémi Esterle. Et la troisième partie est une sorte d’hommage à Déborah Salmirs, qui partage mon univers chorégraphie depuis presque quinze ans, même si je n’avais jamais fait de solo pour elle. Elle danse donc seule, mais on a signé la chorégraphie ensemble. Une chorégraphie sur le rapport du danseur à l’objet.Ce dernier opus justement, avec cette machine à laver, a un côté très burlesque…
On est dans une société qui nous dit de faire ceci ou cela, d’acheter tel ou tel objet... Certes, la machine à laver nous a bien aidés, mais ça ne règle pas tout ! Avoir une belle machine à la maison, ça ne veut pas forcément dire que l’on est heureux. Et c’était aussi l’idée, à travers ce solo, de mettre en valeur la femme. Certes, il y a des femmes qui sont chez elle à s’occuper de leur foyer, certainement avec beaucoup de plaisir, et c’est super. Mais elles ont aussi leurs rêves, leur poésie, et je trouvais ça drôle de mettre en scène une femme avec une machine à laver qui fonctionne, pour voir comment, à travers cette situation, elle pouvait montrer sa personnalité, son identité et ses désirs.Au cours de ces trois opus, on a aussi l’impression de découvrir des êtres paumés qui cherchent leurs marques…
Je pense qu’il y a toujours eu dans mon travail cette recherche d’identité au travers de la recherche de repères. Pour moi, les danseurs sont enfermés dans une société qui ne les libèrent pas, et ils essaient de retrouver des choses sur ce que pouvait être les hommes au départ.Vous nous dîtes que nous ne sommes pas des oiseaux. Mais nous sommes quoi alors ?
J’aime beaucoup ce titre, même s’il comporte une négation que j’ai volontairement gardée : effectivement, on n’est pas des oiseaux, on n’a pas d’ailes à la place des bras, on ne peut donc pas voler. Et en même temps, on peut quand même s’envoler, mais d’une autre manière qu’avec des fusées, en allant vers une richesse intérieure grâce à la musique, la danse, les mots, le rapport à l’autre, la complicité… C’est dire si au bout de vingt ans, je crois toujours au spectacle vivant !Justement, en regardant dans le rétro, quel regard portez vous sur votre parcours ?
Avant tout il y a ma famille, mais ensuite c’est ce métier et cette compagnie qui prennent énormément de place dans ma vie. Même si j’ai très peur pour l’avenir, je me dis qu’on a passé vingt ans de création intenses, avec une équipe formée autour de moi qui m’a aidée à parcourir tout ce chemin. Tout est allé très vite, j’ai envie de continuer. Voilà pourquoi c’était bien pour moi de faire cette pièce en me donnant du temps, en prenant du recul pour appréhender au mieux le futur…Vous évoquiez la peur. Comment voyez-vous les vingt prochaines années ?
Vingt ans, ça me parait peut-être un peu loin ! Mais en tout cas les prochaines années vont être dures, parce qu’on a un gouvernement qui fait beaucoup de mal, parce qu’il va y avoir beaucoup moins d’argent pour les compagnies et les lieux. On va donc aider le haut de la pyramide, à savoir les gros lieux et les grosses compagnies, et pas les petites structures. J’ai très peur de ce clivage.NOUS NE SOMMES PAS DES OISEAUX
Mardi 5 mai à 20h, à la Rampe (Échirolles)

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