"Du goudron et des plumes" de Mathurin Bolze : le making of

Entre deux représentations, Mathurin Bolze se confie sur la genèse de son spectacle "Du goudron et des plumes". On a tout enregistré, et on retransmet ses propos là, rien que pour vous.

Le mouvement comme vecteur d’émotion

« Le mouvement, certes, mais le mouvement ancré dans des rapports spatiaux. Car c’est lié à une construction de l’espace scénique : le décor est arrivé en préambule, en même temps que certaines questions de jeu autour de lectures que l’on a faites. Ensuite, ça a été un va-et-vient continu entre cet objet devenu concret petit à petit, au fil des essais, des prototypes, des modifications, et les idées autour desquelles on essayait de développer notre projet. Le titre du spectacle vient justement de ce contraste entre le lourd et le léger, entre la noirceur et la légèreté… On a essayé de trouver un champ d’expérimentation le plus large possible, avec le mouvement. »

Des souris et des hommes
« Il y a de ça au départ, mais en même temps, il n’en reste pas réellement de trace tangible dans le spectacle. Le roman a servi à mettre le feu aux poudres, comme un combustible. Mais après, on a construit notre matériau à partir d’autres textes, d’autres poèmes… On a tricoté une matière en allant piocher dans des extraits qui peuvent être de Michaud, de Cioran, de Montaigne, ou de Voltaire quand il parle des ballants. Par bribes, on a étayé notre aventure… C’est pour ça que parler de Steinbeck est presque une fausse piste pour le spectateur qui va ensuite chercher à retrouver ça sur scène. »

Un spectacle sur l’altérité ?
« Je pourrais évidemment dire que je me situe plus dans cette veine qui est d’essayer de parler des hommes, leur manière de se rencontrer et de vivre des choses ensemble dans l’expérimentation. Du coup, ce qui nous lie nous fait nous croiser, nous heurter, nous coordonner, c’est le fruit de notre rencontre ; donc en effet, oui, il est question d’altérité, des talents de chacun, des savoir-faire personnels. Après, on a cherché quelle histoire cela construisait pour chacun d’enchaîner un moment de solitude avec un moment commun, une rencontre amicale puis une rencontre amoureuse… À un moment donné, on s’est confrontés à la réalité de notre petit groupe d’exilés sur cet îlot, et sur le fait qu’il faille inventer la dramaturgie de notre rencontre. Prgressivement, on a donc développé nos personnages, même si on n’est pas dans une narration. Il fallait rejoindre des bribes qui puissent servir de support à la projection des spectateurs. Mon but est d’essayer de trouver une qualité de présence qui laisse de la place pour l’imagination. Ce sont des métaphores : aux spectateurs de les habiter de leurs expériences… »

Le travail avec le scénographe Goury
« On se connaît depuis des années. C’est notre troisième spectacle ensemble. C’est donc le fruit d’une conversation étalée sur une dizaine d’année. On est arrivés à travailler sur ce projet-là avec un désir commun de réfléchir autour de cet espace suspendu, sur lequel il est réintervenu en proposant des solutions, des astuces avec les planches… Moi, j’ai rêvé d’abord du volume global de cette plateforme et de ses potentialités, et après on est entrés dans le détail. »

La musique
« La musique s’est fabriquée en même temps que le spectacle, les musiciens étaient présents tout au long des répétitions. C’est seulement sur la phase finale qu’on est passés sur bande, pour pouvoir travailler à partir de repères plus précis. Une construction sonore sur laquelle on puisse trouver nos marques, pour ne pas rester toujours dans le mouvant de l’improvisation. La bande-son nous porte autant, et est autant vecteur de sens que nos aventures, c’est le fruit d’une maturation commune. »

Un spectacle de cirque contemporain ?
« S’il fallait le définir, je laisserais volontiers le choix aux autres. Je sais que tout ce que l’on fait, c’est seulement avec des acrobates que c’est possible – avec des danseurs, ce n’est pas possible, avec des comédiens non plus. Après, je revendique une écriture dans l’espace et dans le volume qui est propre à la chorégraphie. Tous mes invités ont des talents par rapport au mouvement, une sorte d’aisance corporelle, on peut donc rapprocher ça de la danse. Mais en ce qui concerne la prise de risque, les agrès, etc : je définis le spectacle par l’impossibilité de le faire avec d’autres artistes que ceux qui viennent du cirque, qui ont un engagement physique extrême et une capacité à côtoyer le danger avec grâce. »

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