"Sur la route" : Antoine Rigot, on the road again

Cirque / Avec "Sur la route", Antoine Rigot a élaboré un spectacle d’une très grande force basé sur sa propre histoire de funambule accidenté. Rencontre.

On peut voir ce spectacle comme le résultat d’un long processus d’adaptation à un corps nouveau, qui ne répond plus comme avant…

Antoine Rigot : Après l’accident [il a été victime en 2000 d’une chute qui l’a paralysé, NdlR], j’ai eu le sentiment d’avoir tout perdu. Je travaillais physiquement, grâce au langage du corps. Mon travail artistique prenait sens sur le fil, à travers l’acrobatie. Après la chute, il y a donc eu un gros questionnement. D’un certain côté, je me suis senti perdu… Mais ensuite, j’ai rapidement reçu différents soutiens qui m’ont permis de me raccrocher.

C’est notamment la jeune génération de circassiens qui est venue vous chercher…

Oui, c’était pour Le Fil sous la neige, mon précédent spectacle. Ils m’avaient demandé de transmettre, en tant que concepteur du spectacle. Là, pour Sur la route, je fais les deux, concepteur et interprète, avec ce besoin de me remettre en scène…

Remonter sur scène pour la première fois depuis votre accident, en utilisant la métaphore qu’offre Œdipe sur la route, le roman d’Henry Bauchau…

Des liens se sont tissés entre ce livre et mon histoire personnelle. Du coup, ça m’a donné un appui pour prendre un peu de distance. Henry Bauchau évoque une partie qui n’a pas été racontée par Sophocle : l’errance d’Œdipe, et ce voyage qu’il entreprend après la tragédie. Un voyage pour, d’une certaine manière, se reconstruire et retrouver une autonomie – ou du moins s’apaiser.

Au départ, il veut partir seul, mais il n’y a qu’Antigone, dans ses enfants, qui ne supporte pas de le voir comme ça, et qui finalement veut l’accompagner. Œdipe refuse, mais Antigone finit par s’imposer dans le voyage, et ils le font ensemble. Bauchau a donc fait un roman de tout ça. Un roman à l’intérieur duquel de nombreux aspects m’ont parlé, et ont donc résonné avec mon histoire…

Une histoire que vous abordez donc avec pudeur, au travers de personnages mythologiques…

Ce livre m’a permis de rendre quelque chose qui ne soit pas bloqué sur ma simple histoire personnelle, mais qui ouvre d’une manière universelle sur toutes sortes de souffrances, de combats et d’espoirs. Quand on est confronté à un drame qui fait basculer sa vie, on est touché personnellement, mais aussi les personnes les plus proches dans notre vie, comme, dans mon cas, mes enfants, ou mon épouse Agathe [avec qui il a fondé la compagnie Les Colporteurs en 1996 - NdlR].

Et pour moi, le personnage d’Antigone, magnifiquement porté par Sanja Kosonen, symbolise tous ces soutiens, et toute cette souffrance qui existe, mais qui reste dans l’ombre. Antigone doit s’investir là-dedans : pas seulement pour Œdipe, mais pour elle, pour qu’elle puisse construire sa propre autonomie à travers cet engagement.

Finalement, malgré toutes ces références, tant personnelles que littéraires, Sur la route est un spectacle qui joue beaucoup sur le ressenti du spectateur…

Le côté émotion, c’est le résultat, ce n’est pas forcément calculé au départ. Après, c’est sûr que l’histoire a un côté authentique, ça doit jouer. En même temps, il y a des gens dans le public qui comprennent qu’il y a un vrai problème physique seulement au moment du salut – j’ai eu plein de retours de la sorte. Je pense que ça doit vouloir dire que le travail est juste !

SUR LA ROUTE
Du mardi 11 au samedi 15 janvier, à la MC2.

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