Programmateurs/trices de danse, excitez-nous !

La danse est un champ artistique riche, varié, protéiforme, enthousiasmant, innovant… Les salles grenobloises arrivent-elles à transmettre au public ces différents élans créatifs ? Tentative de réponse en compagnie de quelques pontes locaux.

Plus d’une vingtaine de plateaux dans l’agglo : le bassin grenoblois est d’une extrême richesse niveau spectacle vivant. Surtout en théâtre. De ce point de vue, le maillage de salles n’a pas à rougir des comparaisons (notamment avec ses voisins, comme Lyon), bien au contraire. Ensemble, en tenant compte de leurs spécificités et de leurs moyens, les lieux de diffusion offrent un très large éventail de la création théâtrale contemporaine.

Mais niveau danse, l’euphorie est moindre. Grosso modo, seulement deux salles (la MC2 et la Rampe) offrent une réelle programmation pour les amateurs de ce genre artistique, les propositions des autres étant plus sporadiques. Suffisant ? Pas forcément… Surtout qu’il n’est pas sûr qu’à elles seules, la Rampe et la MC2 arrivent à satisfaire l’appétit du public grenoblois (réputé extrêmement curieux et demandeur).

« Bien sûr, mon grand souhait serait que l’on puisse faire plus. Mais on a déjà une belle visibilité, parce que l’on peut jouer entre ces trois plateaux [le grand théâtre, le petit et la salle de création – NDLR], et c’est extrêmement rare en France » nous explique Sylvaine Van den Esch, conseillère artistique danse à la MC2 depuis deux ans. Sa programmation se construit ainsi autour de trois axes : de grands noms européens (Keersmaeker, Platel, Galvan… – même si « avec cette saison et la prochaine, on va aussi voir une ouverture au grand international »), des propositions françaises grand public (Preljocaj, Montalvo Hervieu, …), et d’autres plus contemporaines (Rizzo, Buffard…).

Grand écart périlleux ou souci d’exhaustivité ? « Je ne concevrais pas qu’une maison comme la MC2 ne puisse pas montrer une pièce comme Orphée – Montalvo Hervieu, grand plateau, beaucoup de monde sur scène, tout un travail de l’image sophistiqué… Pourtant, à côté, on a aussi des œuvres exigeantes d’un plus petit format, qui ne s’adressent pas à l’aspect divertissement du spectateur. Quand on est spectateur, on l’est pour plusieurs raisons, et il y a aussi une carte qui est celle d’une dimension plus réflexive, sur le monde, les esthétiques contemporaines… »

Concernant ce dernier axe, qui offre une couleur particulière à la programmation de la MC2, plus cérébrale, on reste néanmoins sur notre faim, les chorégraphes programmés semblant aller dans la même direction (même si Les Soirées, mini festival qui a lieu chaque fin de saison à la MC2, permet de découvrir d’autres styles).

« Rester éclectique »

Du côté de la Rampe, la question de la ligne directrice est encore plus pertinente, la salle étant labellisée « scène conventionnée danse et musique ». Jacky Rocher, son directeur depuis maintenant deux ans et demi, a fait du croisement des formes son axe de recherche, avec notamment des spectacles associant danse et musique. Mais il défend tout de même l’idée d’une scène généraliste, en programmant aussi du théâtre, du cirque... « Il est important que l’on reste éclectique. Sinon, on serait vraiment un outil ultra-spécialisé qui ne répondrait pas à l’ensemble des souhaits du public. J’ai très envie que l’on puisse présenter cette salle comme une salle de diversité. »

Niveau propositions, elles sont variées (avec notamment l’utilisation des deux plateaux : La Rampe et la Ponatière), très riches, voguant entre grands noms, chorégraphes régionaux, projets pluridisciplinaires… Une programmation qui semble moins tranchée que celle de la MC2. Mais malgré ces différences d’approche, on devine tout de même chez ces deux programmateurs une réelle envie d’offrir une danse de qualité aux Grenoblois, ce qui est plus qu’appréciable. Pourtant – soyons fous ! –, on aimerait plus dans l’agglo, et notamment découvrir d’autres esthétiques, d’autres univers, d’autres artistes…

Ouvrir les portes et les fenêtres

Surtout qu’au niveau strictement local, les compagnies en présence ne semblent pas réellement insuffler d’air frais. Jean-Claude Gallotta, qui marqua formidablement son époque, est à la tête du Centre chorégraphique national de Grenoble (basé à la MC2) depuis maintenant trente ans. Dans son sillage, nombre de chorégraphes ont éclos dans l’agglo. Mais aujourd’hui, quasiment plus rien de nouveau sous le ciel grenoblois. Que se passe-t-il ?

Christiane Blaise, ancienne chorégraphe maintenant directrice du Pacifique (un Centre de développement chorégraphique inédit à Grenoble qui, depuis 2004, soutient les compagnies locales et autres – prêt de lieux de répétition, aides à la création, à la diffusion…), esquisse une tentative de réponse : « Je trouve qu’aujourd’hui, la période politique ne favorise pas les élans, ne libère pas, n’ouvre pas, mais plutôt coupe le souffle. Du coup, ce qui est en place reste, mais il n’y a pas d’entrants. Et ça, pour moi, c’est dramatique, car notre attention est justement sur les potentiels. À Grenoble, dans le département, la région, c’est très difficile de trouver ceux qui vont faire la suite, parce que l’on ne leur donne pas les moyens d’arriver dans l’aventure. C’est très problématique, car très vite, ça va s’étouffer tout seul. D’autant plus que ça fait un certain nombre d’années que c’est stagnant… »

Néanmoins, que les acteurs en présence se rassurent, il s’agit ici plus d’un appel que d’une volonté de jeter le bébé avec l’eau du bain. « C’est bien de continuer de soutenir ce qui est en place – je ne dis pas qu’il faut jeter les gens ! – mais le problème, c’est aussi d’ouvrir pour faire renter de nouvelles personnes. Si on reste entre soi, il va y avoir une génération sacrifiée. »

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