"La Jeanne de Delteil" : la cape et l'épée

Le metteur en scène Christian Schiaretti, directeur du TNP de Villeurbanne, offre une Jeanne d’Arc forte en bouche par l’intermédiaire du texte de l’auteur Joseph Delteil. Un véritable petit bijou.

La Jeanne de Delteil, c’est Jeanne d’Arc, figure emblématique de l’Histoire de France, surnommée très gracieusement la Pucelle d’Orléans. Mais c’est, comme le nom du spectacle l’indique, Jeanne d’Arc vue par l’écrivain et poète français Joseph Delteil. Un homme de lettre iconoclaste qui arriva à créer un joli petit scandale à la sortie de son ouvrage Jeanne d’Arc en 1925 : les puristes de l’Histoire crièrent rapidement à la trahison (notamment certains catholiques), quand les surréalistes (dont Breton) vilipendèrent le style même de Delteil en des termes très durs. Mais d’autres, à l’instar de Claudel qui sentit dans ce texte « l’étoffe d'un grand écrivain », défendirent l’homme et son œuvre.

Une œuvre qui, le temps des passions et des crispations terminé, dans une époque où les dogmes religieux se sont déplacés, apparaît d’une étonnante modernité : la pucelle est vivante, drôle, et s’exprime dans une langue imagée et charnue que Christian Schiaretti offre au spectateur par l’intermédiaire d’un acte théâtral simple et efficace.

Le théâtre n’est pas mort !

Le metteur en scène avait déjà monté ce texte de Delteil il y a quelque temps, avec la comédienne Camille Grandville. Dans un esprit de troupe, et gardant en tête l’idée de défendre un certain répertoire, il remet le couvert, en confiant cette fois-ci le rôle à la jeune Juliette Rizoud. Cette dernière met toute son énergie au service du projet, pour un rendu enlevé qui confirme ce que nous clamons crânement en "une" du Petit Bulletin de cette semaine avec le collectif D’ores et déjà : le théâtre peut être autre chose que cet art désuet et poussiéreux que certains essaient de nous refourguer avec l’assurance de ceux qui sont certains de détenir le savoir et la culture.

Ici, au contraire, Schiaretti joue humblement avec les codes du théâtre, en utilisant simplement les accessoires disponibles sur le plateau nu pour figurer l’épopée subjective de Jeanne d’Arc : l’Histoire, la grande, devient un matériau comme un autre, servant à produire un récit littéraire d’une très grande force. Alors, quand Jeanne d’Arc, persuadée de s’attaquer à son plus grand combat, fonce à corps perdu vers un ennemi invisible, on y croit dur comme fer. La chute, en plein contre le placard brinquebalant posé à même le mur de la scène (pour ranger les costumes, les accessoires, une fois le spectacle terminé) n’en est que plus savoureuse.

La Jeanne de Delteil
Jeudi 17 et vendredi 18 mars à 20h à l’Hexagone (Meylan)

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