La mise à nu

Le chorégraphe Jean-Claude Gallotta crée cette semaine son Sacre du Printemps, avant de s’atteler à la reprise de Daphnis é Chloé pour janvier. Entretien avec l’artiste sur la saison du Centre Chorégraphique National de Grenoble. Propos recueillis par FC

Le CCNG a lui aussi vu son budget baisser cette année ?
Jean-Claude Gallotta :
Le Conseil Général nous a retiré 25%, le plus grave étant qu’on n’a pas été averti. Ce qui fait qu’on a engagé tous nos projets, et donc on a vraiment un trou. La Ville et la Région ont un peu complété, ça ne compense pas mais on sent qu’il y a une dynamique pour empêcher que tout s’éteigne. Les gens du Conseil Général, que je vais rencontrer prochainement, n’ont pas mesuré en termes de stratégie que même si la Culture est un domaine à part, il y a une force symbolique et médiatique qui est énorme. Dans un premier temps, comme la situation ne bougeait pas trop, ils donnaient l’impression d’un exemple pour les autres conseils généraux, du genre « voyez, on a enlevé tant d’argent à la Culture et personne n’a bronché », et le coup de l’article récent du Monde (sur les baisses de subventions du Conseil Général pour le spectacle vivant, NdlR) a vraiment fait un coup de fouet. Mais moi j’ai envie d’y aller, de contrecarrer, d’être avec une équipe fidèle, des danseurs toujours meilleurs, et de vraiment me battre avec ça, envers et contre tout, traverser les plateaux, avoir envie de créer une dynamique, même dans le dénuement mais avec de l’énergie. Donc je n’ai pas peur, en fait.

Vous sortez de l’aventure L’Homme à Tête de Chou ; avec le recul, quel regard portez-vous sur cette expérience ?
Et bien toujours un peu le même, parce que je continue à travailler avec la même énergie. Ce qui était bien, c’était de faire partager la danse contemporaine par un autre biais. Le fait qu’il y ait eu Gainsbourg et Bashung, ça a dynamisé tout un public qui ne venait pas forcément voir de la danse contemporaine. Ça a vraiment été un gros impact que la compagnie a réussi à tenir, ça ne l’a pas détruite ; parce que c’est le genre de plan qui peut détruire une compagnie, le succès, beaucoup de tournées, une sorte de fatigue nerveuse, morale, physique, et là ils ont vraiment tenu le coup. A chaque fois, c’était un bel hommage, loin du divertissement. Je pense que la mort de Bashung a préservé finalement un côté spirituel, les gens venaient un peu à une messe, c’était du spectacle mais il y avait aussi cet hommage en fait. Donc ça reste vraiment très présent, c’est au-delà du spectacle. Mais justement, pour rebondir, c’est ça aussi qui m’a donné envie de faire le Sacre du Printemps, de continuer une aventure avec une autre musique, mais comme si j’avais déclenché quelque chose, des foudres musicales.

Dans vos notes d’intention sur les spectacles du CCNG cette saison, on sent une envie de revenir à une épure de la danse, aux fondamentaux…
Oui, sur la simplicité et la danse. J’ai toujours admiré les artistes qui font ça en écriture, en cinéma, qui arrivent en peu de moyens à dire les choses essentielles, je trouve que c’est le sublime acte artistique. J’ai toujours rêvé de ça. C’est difficile à faire, il faut un temps, une maturité. Depuis quelque temps, j’y arrive un peu. Depuis Trois générations, j’essaie d’avoir un plateau nu, une simple lumière pour que ce soit vraiment les atomes humains qui nous parlent. J’étais content parce que j’avais proposé ça à Alain Bashung, je lui ai dit que j’étais dans cette optique là et ça lui allait bien. Parce qu’il était aussi dans cette épure, dans le noir, il était de plus en plus mystique aussi à la fin de sa vie. Ça m’a aidé et ça a fonctionné comme ça. J’abord le Sacre de la même façon. La musique est suffisamment forte pour que j’essaie de contrebalancer avec cette optique.

Vous reprenez en janvier Daphnis é Chloé, qu’est-ce qui vous pousse à régulièrement revisiter votre répertoire ?
A chaque création, j’ai l’impression d’avoir écrit quelque chose, comme un dramaturge ou un homme de théâtre, et cette chose, je ne veux pas la perdre. Donc de temps en temps je la reprends, avec l’idée de la reprendre à l’identique et de la retoucher si jamais j’en ressens le besoin… Comme je suis encore vivant, je peux encore retoucher, mais la première dynamique, c’est de reprendre une pièce qui a existé. Sans camoufler la création parce que je continue à créer. Puis il y aussi des demandes de jeunes générations qui ont entendu parler de ces pièces, ça en fait presque du témoignage, un partage de l’époque.


Le sacre du printemps (précédé de Tumulte et Pour Igor)
Du 7 au 13 octobre, au Grand Théâtre de la MC2

Daphnis é Chloé
Du 17 au 21 janvier, au Petit Théâtre de la MC2

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 23 juin 2020 Après une fin de saison largement amputée du fait de l’épidémie de coronavirus qui a contraint le monde culturel à se mettre en pause dès la mi-mars, les salles de spectacles de l’agglomération grenobloise se tournent vers l’avenir. Et ont, pour la...
Mardi 5 novembre 2019 Une, deux représentations, trois grand maximum et puis s'en va. Comment se fait-il que les spectacles de danse restent aussi peu longtemps à l'affiche contrairement au théâtre ? Le phénomène est national, comme l’a démontré une grande enquête...
Mardi 4 décembre 2018 Le chorégraphe grenoblois Jean-Claude Gallotta sera à la MC2 du mardi 11 au samedi 15 décembre avec sa nouvelle création basée sur le "Bonjour Tristesse" de Françoise Sagan.
Mercredi 21 novembre 2018 Samedi 17 novembre, comme quelque 400 autres courageuses et courageux, nous avons passé la journée enfermés dans la MC2 afin de retracer 50 ans (voire plus) d’histoire de cette maison de la culture phare en France. Vous n’y étiez pas ? Voici un...
Mardi 22 décembre 2015 Cette année, deux spectacles de théâtre nous ont fait un bien fou. Et un ponte de la danse a dû faire ses cartons.
Mardi 3 novembre 2015 Avec "La Crasse du tympan", le chorégraphe grenoblois Nicolas Hubert s'attaque au mythique "Sacre du printemps" en s'éloignant du simple hommage. Le résultat est visible ce jeudi à la Rampe (et début février au Grand Angle).
Mercredi 30 septembre 2015 Jean-Claude Gallotta reprend "My Rock", créé en 2004 pour l’ouverture de la MC2. Un spectacle qui lie danse contemporaine et standards du rock – Dylan, les Beatles, les Stones, Nirvana… Et une véritable réussite qui fait un bien fou.
Mardi 29 septembre 2015 Huitième édition pour Les Rencontres-i, la biennale arts-sciences pilotée par l’Hexagone de Meylan. Un événement qui prend de plus en plus d’ampleur dans l’agglomération, comme en témoigne l’ouverture grandiose prévue ce week-end au parc...
Mardi 28 octobre 2014 Créée en 1984, la pièce "Yvan Vaffan" de Jean-Claude Gallotta revient cette semaine à la MC2. Une synthèse parfaite de l’univers du plus grenoblois des chorégraphes. Aurélien Martinez

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X