L'art scène

Dans Micro, le chorégraphe Pierre Rigal met en forme un spectaculaire concert rock dansé et théâtralisé avec la complicité des membres du groupe Moon Pallas. Le musicien Julien Lepreux nous en dit plus. Propos recueillis par François Cau

Comment avez-vous rencontré Pierre Rigal ?
Julien Lepreux : Mélanie, la danseuse acrobate de Micro, a fait un stage avec lui - à l’époque, on vivait (et on vit toujours) dans une sorte de communauté d’artistes et de musiciens à Poitiers. Elle l’a ramené un jour à la maison, on lui a fait écouter toutes les musiques qu’on faisait et ça lui a plu. Après, il nous a montré ses spectacles en DVD, Erection notamment. Et sincèrement, on a pris une claque. On ne s’attendait pas du tout à ça parce que quand Mélanie nous parlait de danse contemporaine, on n’y connaissait rien, on était sur des préjugés, alors qu’en fait ça nous parlait complètement - son langage du corps, des lumières, la musique, l’ambiance… on a trouvé ça magique. On s’est rendu compte qu’on aimait les mêmes films, qu’on écoutait les mêmes musiques et qu’on avait les mêmes influences. Il nous a parlé du fait qu’il voulait faire un spectacle avec des musiciens sur le rock, c’était encore un peu flou. A la base, il voulait s’inspirer de La Jetée de Chris Marker – comme par hasard, l’un de mes films préférés ! Quand il nous a dit ça, on s’est enfermés quelques jours et on lui a fait une dizaine de morceaux en s’inspirant de tout ce qu’il nous avait raconté. Il a dû se dire qu’on était motivés et c’était parti, on a fait des laboratoires.

L’un des points communs entre la musique de Moon Pallas et les spectacles de Pierre Rigal, c’est ce premier degré assez déstabilisant dans l’interprétation avec des touches d’humour dans la mise en forme…
Le premier degré, c’est qu’on fait vraiment la musique qu’on a envie de faire, et pour ce qui est du côté humoristique, c’est que dans la vie, on est un peu torturés, mais on est quand même des gros rigolards, on passe beaucoup de temps à s’amuser, à avoir un côté très ludique, même en préparant Micro. La musique a pour but de nous emmener ailleurs, pas de raconter notre vie. Voyager vers des terres inconnues… On a une manière un peu science-fiction d’aborder la musique. On a commencé Moon Pallas il y a six sept ans, quand ce n’était pas encore la mode de la pop nostalgique, des synthés vintage alors que maintenant on entend ça partout. Aujourd’hui, on a laissé ça de côté, pour partir dans une direction que Micro nous dictait, plus sincère, plus rock, plus dépouillée et plus mûre aussi.

Comment la composition s’est-elle agencée à la création ?
Il y a deux entités dans Micro : Pierre et le groupe. Le groupe est vraiment une entité à quatre têtes, on n’a fait que réagir à toutes les mises en mouvement que nous a infligées Pierre, avec le côté ludique : on s’est mis dans la situation d’enfants qui découvrent les instruments, et de là a découlé la composition des morceaux. Ce sont les contraintes d’espace et de mouvement qui ont donné lieu à la composition.

Comment est-ce que cela a influencé votre style musical ?
Ça nous a libéré beaucoup de choses parce qu’on s’est rendus compte qu’en fait on pouvait tout faire, tout ce qu’on aimait. Si on exacerbe un peu nos personnages, nos passions, on n’a pas de problème de style à se poser. On a des instruments qui déterminent déjà des sonorités : une guitare barytone, une guitare électrique, une basse électrique, une batterie, une Yamaha DX7, un synthé FM des années 80 dont se sert beaucoup Kavinsky, révélé en France par les Cure. Pierre nous a mis dans des situations qu’on n’aurait jamais imaginées, qu’on n’aurait jamais osées faire en restant dans notre carcan de groupe. En groupe, c’est chacun à sa place, et on n’ose pas forcément changer d’instrument pendant un morceau, se mettre à pousser des cris ou faire des choses folles comme dans Micro.

Est-ce que ce n’est pas un peu frustrant de jouer devant un public de scène nationale, assis et bien sage ?
Il y a un côté un peu frustrant mais en même temps c’est aussi une épreuve. On joue devant des gens assis, silencieux, on est obligés de rentrer dans le truc (des fois ça ne marche pas), de donner le maximum. Il y a moins cet aspect action / réaction par rapport au public, on est un peu des machines, mais je trouve que c’est un bon exercice. Puis il y a des outils comme les lumières qui permettent de faire beaucoup plus de choses plus précises. La frustration est comblée par le fait qu’on prend ça comme quelque chose qui va nous servir pour aborder la scène. On pense d’ailleurs à prolonger le spectacle en donnant naissance au groupe dans le cadre de vrais concerts. Ça nous motive, parce qu’aujourd’hui, beaucoup de musiciens misent tout sur la production, comment le disque va sonner, puis sur scène, c’est décevant, ou alors c’est des mecs derrière leur Mac, planqués derrière des pommes. L’instrument premier reste le corps, et maintenant on veut donner des concerts où l’on se donne à fond, où à la fin on est lessivés.

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