"Je suis Fassbinder" : un trop-plein qui tourne à vide

Théâtre / Un metteur en scène adulé, un auteur bankable, des comédiens excellents et l’envie de se confronter à l’actualité la plus brûlante : le "Je suis Fassbinder" du duo Stanislas Nordey-Falk Richter partait très bien sur le papier. Mais à l’arrivée, on se retrouve face à un drôle de gloubi-boulga arty et, surtout, vain.

Que restera-t-il dans plusieurs décennies du théâtre de l'Allemand Falk Richter ? Principalement la photo brute d'une époque que l'auteur ne porte pas du tout dans son cœur. Et ensuite ? Pas grand-chose parions-nous depuis longtemps. Mais qu’importe, la volonté de Richter n’est sûrement pas de passer à la postérité. Lui veut plutôt frapper fort dès aujourd’hui, pour réveiller les consciences.

Une volonté qui saute aux yeux (et aux oreilles) dans sa pièce Je suis Fassbinder, qu'il met en scène avec un Stanislas Nordey également comédien sur le plateau. Bourgeois racistes, jeunes complotistes antisémites, réacs ayant manifesté contre le mariage pour tous… Tout le monde en prend pour son grade ; surtout Angela Merkel et la famille Le Pen.

Pourquoi faire du théâtre dans un tel monde se demande Nordey dans un monologue de fin puissant qui pourrait faire office de manifeste. Pas pour remonter « La Cerisaie ou des pièces de Yasmina Reza », mais pour se confronter au réel. Pour s’y « coller ». Ce qu’ils ont fait.

Mad world

Je suis Fassbinder, comme d'autres sont Charlie. Au départ de l'aventure Richter-Nordey, l'envie d’évoquer le mythe qu'est le cinéaste et auteur allemand Rainer Werner Fassbinder (1945-1982). Puis l'actualité les a rattrapés, dont la série d'attentats en France. Richter écrivant ses textes jusqu'aux derniers jours avant la première représentation, il a tout intégré. Même les agressions sexuelles survenues à Cologne le 31 décembre 2015.

Ces personnages, qui sont autant les acteurs qui les campent que des figures sorties des films de Fassbinder, s'emparent donc de cette actualité pour la recracher sur scène. Les idées les plus intéressantes côtoient des propos façon café du commerce. Mais il ne faut pas chercher trop loin, tout ceci n'est que le cri d'un artiste un brin mégalo comme le fait dire Richter à ses comédiens, qui eux s'adressent à Nordey campant Fassbinder. Façon de dédramatiser les enjeux, de montrer qu'on a du recul et, surtout, d'évoquer la figure de Fassbinder, qui mêlait souvent art et "vraie vie".

D’accord. Mais si Richter et Nordey arrivent parfois à faire résonner les deux époques (notamment le parallèle entre le terrorisme sévissant en Allemagne au cours des années 1970 et celui d’aujourd’hui), leurs deux heures très denses de spectacle s'avèrent finalement assez vaines et caricaturales, malgré les nombreux efforts déployés par les cinq très bons comédiens pour habiter le propos. Quel propos d’ailleurs ? Mystère…

Je suis Fassbinder
À la MC2 jusqu’au samedi 2 avril

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