Pauline Bayle : « L'écriture de George Brant est très incisive, très au présent »

Clouée au sol

L'Odyssée

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Dans le seule-en-scène "Clouée au sol", Pauline Bayle incarne une pilote de chasse qui se retrouve à devoir faire la guerre depuis les États-Unis à l’aide d’un drone. Un spectacle fort qui pose de nombreuses questions très contemporaines dont on a causé avec la comédienne avant son passage par l’Odyssée d’Eybens.

Rares sont les personnages de pilotes de chasse sur les scènes de théâtre ! Quelle a été votre première réaction à la découverte du texte de George Brant ?

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Pauline Bayle : Il y a eu une rencontre immédiate entre le texte et moi. Je me suis pris une claque avec cette écriture très incisive, très au présent, très percutante. Mais je ne me disais pas que ça allait marcher parce que je n’avais pas l’impression d’avoir une dégaine de pilote de chasse !

Par contre, je trouvais que ce personnage avait quelque chose de très universel étant à la fois une femme avec une grande humanité, qui a une passion, celle de voler dans le ciel, et une femme combattante. Elle m’a fait penser à des personnages de la mythologie grecque comme Électre ou Antigone…

Le sujet de la pièce est très ancré dans le présent…

Oui, tout à fait. Dans cette pièce, il y a toute une réflexion très intéressante sur les drones, ces machines qui viennent bouleverser l’éthique de la guerre. Car quand on est dans sa caravane au Nevada et qu’on tue des gens au Pakistan à 10 000 kilomètres, il n'y a plus de sens moral. Celui qui tue avec un drone ne prend plus le risque d’être tué.

D’ailleurs, pour mon personnage, la transition entre son poste de pilote de chasse et de pilote de drone est terrible, car quand on est pilote de chasse, on ne prend pas la mesure de ses actes. Les bombes sont envoyées et on ne se rend pas compte de ce qu’elles vont faire. On les lâche et on s’en va. En tant que pilote de drone, c’est tout le contraire. En plus d’être un véritable tueur, on doit rester sur la cible et observer minutieusement les dégâts engendrés.

La mise en scène de Gilles David est très minimaliste…

En effet, et c’est ce minimalisme qui permet de laisser la place au texte. Au fil du travail, j’avançais dans la progression mentale de la pilote, car dans cette pièce, ce qui compte, c’est d’arriver à convoquer ses émotions, son cœur. Après, mine de rien, la mise en scène n’est pas complètement absente, c’est assez physique, il y a des choses qui vivent !

Grâce notamment à la place importante donnée aux couleurs…

Cet univers de couleurs est là pour situer la pièce. Il marque les périodes de vie du personnage : le bleu c’est le ciel, le rose c’est la maternité ou le test de grossesse et le gris, les écrans. D’ailleurs, c’est marrant, parce que les couleurs évoluent.

Par exemple, le gris, qui est omniprésent, n’est pas négatif au début de la pièce mais va le devenir. Il arrive lorsque mon personnage est face à un premier écran, soit celui de l’échographie, un écran gris. Puis la couleur va ensuite prendre une connotation très différente lorsqu’elle va passer douze heures par jour à voir des images de drone, en noir et blanc, vidées de leur vie.

Il y a un an, vous présentiez à la MC2 un diptyque consacré à deux épopées du poète grec Homère que vous aviez mises en scène. Aujourd'hui, vous revenez dans l'agglo avec une pièce sur le thème de la guerre. Drôle de coïncidence !

C’est une coïncidence bien foutue, oui. En fait, ces trois pièces forment une sorte de triptyque cohérent sur le sujet de la guerre. En 2015, j’ai monté Iliade, l’un des textes les plus anciens sur la guerre, sur ce que c’était à cette époque. L’année d’après, j’ai monté Odyssée qui évoque comment on fait pour en revenir, pour s’en remettre, pour retrouver sa place dans le monde. Et dans Clouée au sol, c’est aussi ce dont le metteur en scène a voulu parler.

La parité sur les scènes de théâtre est un sujet dont les directrices et directeurs de théâtre s’emparent de plus en plus. Est-ce un combat que vous portez ?

Pour ma part, j’ai régulièrement été face à des remarques de la part d’hommes et de femmes parce qu’en tant que comédien, on s’expose à être pris pour ce que l’on représente. En tant que metteure en scène, j’ai l’impression que ce fut nettement moins le cas, même si des gens m’ont aidée et soutenue parce que j’étais une femme.

C’est mon identité mais je ne veux pas que l’on me réduise à ça, comme un acteur noir n’aurait pas envie qu’on le réduise à sa couleur de peau. Je ne veux pas non plus faire de l’égalité homme-femme un combat, un sujet de création. Pour moi, jouer Clouée au sol avec un personnage de femme forte, c’est beaucoup plus opérant.

Clouée au sol
À l’Odyssée (Eybens) vendredi 16 et samedi 17 novembre à 20h

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