Jean-Claude Gallotta : « Je montre la femme victime, mais aussi la femme qui renaît »

L'Homme à tête de chou

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Danse / Dix ans après la création et le succès rencontré, Jean-Claude Gallotta reprend son spectacle "L’Homme à tête de chou", relecture dansée de l’album-concept de Serge Gainsbourg réinterprété par Alain Bashung. C’est toujours une immense réussite, même si la trame narrative questionne davantage aujourd’hui. Rencontre avec le chorégraphe grenoblois avant les représentations prévues à la MC2.

Pourquoi avoir décidé de reprendre votre spectacle L’Homme à tête de chou dix ans après sa création ?

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Jean-Claude Gallotta : C’est venu d’une proposition du Printemps de Bourges qui, cette année, rendait hommage à Alain Bashung à l’occasion des dix ans de sa disparition. Au départ, j’ai un peu hésité, comme c’est un spectacle assez douloureux [Bashung est mort huit mois avant la première – NDLR]. Puis, après réflexion, je me suis dit que, peut-être, on y goûterait un peu mieux aujourd’hui, l’émotion étant passée. De là, une tournée a rapidement intéressé les programmateurs…

La création a été douloureuse, mais le succès grand malgré l’absence d’Alain Bashung sur scène…

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Quand Alain m’a dit qu’il ne pourrait plus faire le spectacle, je voulais tout arrêter. Je ne voyais pas comment continuer sans lui. Car au départ, oui, il devait chanter sur scène. Il avait simplement enregistré sa voix, pour être sûr de pouvoir bien dire du Gainsbourg. C’est cette bande qui est restée.

D’ailleurs, si on l’écoute bien, on voit qu’il a parfois des difficultés, qu’il se trompe sur des mots… Mais il l’a validée, comme il était à l’époque impossible pour lui de la refaire. Et c’est lui qui m’a encouragé à poursuivre malgré son absence. Je l’ai fait, un peu la mort dans l’âme, même si bien sûr j’ai été très content du succès rencontré.

En dix ans, la société a bougé sur la question des violences faites aux femmes, avec notamment l’entrée dans le langage courant du mot féminicide, qui fait écho à la trame narrative développée par Gainsbourg – le narrateur tue Marilou, la shampouineuse dont il est tombé amoureux. Vous êtes vous interrogé là-dessus avant la reprise ?

Oui, bien sûr. C’est vrai que Gainsbourg y va fort… Le débat est intéressant : est-ce qu’il pourrait faire ça aujourd’hui ? Moi-même, je ne sais pas trop s’il faut condamner ce qui a été écrit à l’aune de ce qui se passe aujourd’hui, ou dire qu’il y a des choses qui traversent le temps…

Ce que je sais, c’est que Gainsbourg était proche des femmes. Son album était une sorte d’alerte. D’ailleurs, son héros, c’est plutôt un antihéros, un pauvre type. Bashung aussi le vivait comme ça, et comme un hommage aux femmes. J’ai essayé de le retranscrire dans la chorégraphie. Je montre certes la femme victime, mais aussi la femme qui renaît : à la fin, on voit Marilou qui revient, comme un ange ou comme un fantôme, et qui prend sa revanche avec sa liberté.

Ce n’est pas le premier de vos spectacles que vous reprenez, vous êtes même coutumier de la chose…

C’est quelque chose que j’ai toujours plus ou moins fait. Même si à mes débuts, dans les années 1980, c’était mal vu parce que les gens du contemporain n’aimaient pas le côté répertoire. Puis avec la mort de beaucoup de chorégraphes phares, tout le monde s’est un peu rendu compte qu’il était important de faire vivre les oeuvres. Donc quand je peux, oui, j’essaie de remonter mes pièces anciennes.

Ce qui ne vous empêche pas d’en créer de nouvelles. Quelle sera la prochaine, qui verra le jour à l’automne 2020 ?

Après la trilogie My rock, My ladies rock et L’Homme à tête de chou, sur le rock, le récit, et Comme un trio qui était sur la littérature, j’avais envie de retrouver la simplicité de l’assemblage danse, musique, espace. Il n’y a pas de thème, mais un titre : Le Jour se rêve. Pour donner un peu d’imaginaire…

J’ai demandé à Rodolphe Burger de composer la musique et à Dominique Gonzalez Foerster de s’occuper des costumes et de la partie visuelle de la scène. On essaye de travailler chacun dans notre coin, un peu à la Cunningham, Cage, Rauschenberg – en toute modestie ! Car cette époque-là, postmoderne, nous a un peu tous nourris.

L’Homme à tête de chou
À la MC2 du mardi 17 au jeudi 19 décembre

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