Muriel Robin : on ne demande qu'à en rire encore

Humour / Avec "Et pof ! ", la comédienne reprend ses sketchs cultes coécrits avec Pierre Palmade il y a 30 ans, et c’est une excellente idée, tant elle a marqué le monde de l’humour avec ces véritables petites pièces hilarantes et magistralement interprétées. Elle sera mardi 18 février sur la scène du Summum.

Pierre Palmade, Zabou Breitman, Dany Boon, Jérôme Commandeur, Vincent Dedienne : fin septembre, lors des premières représentations de son spectacle best-of Et pof ! dans le très feutré Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris), Muriel Robin s’est offert des premières parties de luxe. Chacune de ces stars de l’humour français rejouait l’une des partitions cultes de la patronne, avant qu’elle-même n’interprète les autres. Classe. Mais, contre toute attente, c’est ni plus ni moins qu’Isabelle Huppert qui fut sa chauffeuse de salle le soir de la toute première. Un mariage étrange sur le papier : mais pourquoi donc l’une des plus grandes figures du cinéma d’auteur français pour jouer une partition comique – le fameux sketch La Solitude ? Et qui dit pourtant tout de ce qu’est devenue Muriel Robin au fil des ans : une référence qui dépasse largement le monde des fans de franche rigolade, et qui lui vaut même un retour de hype bienvenu (dans les médias notamment) qu’elle ne se prive pas de savourer.

En 30 ans de carrière, Muriel Robin s’est transformée en l’une des respectables taulières de l’humour français à saynètes, si ce n’est la taulière tout court. Et ce grâce à une mécanique du rire qui se déploie autour de textes qui sont de véritables petites pièces de théâtre, avec un fil narratif solide, des rebondissements presque vaudevillesques, des personnages parfaitement dessinés… Il en faut du talent et de l’énergie façon Louis de Funès pour, seule sur le plateau, donner vie à tout un monde (un restaurant, un salon de coiffure, un chantier…) et que tout reste crédible. Et il en faut du talent et un sens du rythme précis façon Philippe Caubère pour que le rire existe et se déploie parfaitement autour de ces histoires, sans étouffer le récit mais en l’accompagnant main dans la main. Muriel Robin sait faire tout ça, et plus encore, comme elle le démontre de nouveau sur scène, à 64 ans.

« Vieille comique »

« Pierre Palmade a cette phrase pour portraiturer mes débuts que j’aime beaucoup, il dit : "Elle souffre car elle ne va jamais assez vite !" Tout était très minuté à l’époque, chorégraphié, la façon dont je parlais, je respirais… Pas de place pour le plaisir. Du moins, pour mon plaisir. » Voilà ce que Muriel Robin déclarait en septembre au journal Libération (on aurait aimé l’interroger également, notamment sur son rapport douloureux au one-woman-show ou sur la vision qu’elle a de sa carrière erratique, mais son emploi du temps ne lui a pas permis). Ce best-of le prouve une nouvelle fois : en plus d’être drôle, Muriel Robin est une immense comédienne aux bases solides, qui peut donc passer derrière Isabelle Huppert sans souffrir de la comparaison, bien au contraire.

Une comédienne qui défend ainsi ses propres textes, coécrits avec Pierre Palmade à la fin des années 1980, début des années 1990. Ces deux-là n’avaient sans doute pas prévu que leurs mots allaient devenir cultes, et Muriel Robin pas envisagé que sa carrière allait prendre ce tournant (elle rêvait plutôt de cinéma). Pourtant ces sketchs sont toujours là, et cartonnent encore sur Internet – certains culminent à plus de deux millions de vues.

L'Addition, Le Noir, La Réunion de chantier… Lorsqu’elle les reprend (elle ne les avait pas joués depuis 1996), une partie du public l’accompagne même sur les répliques phares. Sur Le Noir notamment et la fameuse tirade de la mère visiblement dérangée par la couleur de peau de son futur beau-fils – « Si ça me gêne ? Alors là pas du flou... pas du plou... pas du flouchlouplou. S’il est noir, c’est qu’il a de bonnes raisons de l’être. Mais dis-moi un petit peu, il est noir noir noir ou noir un peu... un peu blanc ? Ah, noir noir, complètement noir… Oui... On n’est pas dans la merde ! » Comme une sorte de karaoké géant. Une approche de l’art de l’humour à personnages (pas tous très recommandables, loin de là, et c’est justement ce qui fait leur intérêt) qui peut être aujourd’hui vue comme vintage, surtout depuis que la mode du stand-up autocentré est passée par là, mais qui fait toujours son effet. « Je vous remercie de vous intéresser à une vieille comique des années 1990 », lance-t-elle même pendant le show, consciente de son léger décalage avec l’air du temps.

Sketchs 2.0

Une vieille comique aujourd’hui plus apaisée qui, elle l’assure, prend enfin du plaisir à monter sur scène (ce n’était pas le cas avant). Dès lors, entre les sketchs du passé livrés quasiment tels quels (une obligation dans certains cas, comme celui sur la maison de retraite introuvable en voiture qui perdrait toute sa saveur si elle le modernisait avec un GPS !), elle s’autorise quelques moments plus libres d’improvisation avec le public – une panne de micro un soir où nous l’avons vue a même été propice à 10 minutes hilarantes que tous les comiques n’auraient pas été en capacité de produire.

Et elle a même glissé quelques inédits ici et là pour prouver qu’elle en a encore sous le capot : une partition tout en onomatopées pour expliquer le titre de ce best-of, ou encore une suite très mariage pour tous (en accord avec ce qu’elle est vraiment aujourd’hui – en couple avec une femme) du Noir. Une actualisation moderne qui, par miroir, rend le sketch inchangé sur le montage chaotique d’un barbecue et son personnage de domestique avec l’accent appuyé des îles plus problématique en 2020, d’autant plus avec sa nouvelle intro en mode "on ne peut plus rien dire". Un choix étrange alors que Muriel Robin est plutôt connue aujourd’hui pour ses prises de position progressistes, notamment sur la question des violences faites aux femmes. Dommage, surtout au cœur d’un best-of certes ancré dans une époque et son humour, mais pourtant si réussi. Et dommage de finir cet article de cette façon. Alors réécrivons-le une dernière fois : Muriel Robin est un monstre sacré de l’humour français avec qui on ne demande qu’à en rire encore !

Muriel Robin
Au Summum mardi 18 février, à 20h

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