Planète noire

Festival / Outre une programmation littéraire de très grande qualité, symbolisée par la venue de maîtres comme Indridason ou Pelecanos, la 4e édition du festival Quais du Polar nous mènera une fois de plus sur d’autres continents noirs, dont le cinéma et la bande dessinée. Yann Nicol

Difficile de ne pas s’incliner devant le plateau d’écrivains qui seront présents au Palais Bondy du 28 au 30 mars pour cette quatrième édition de Quais du Polar, un festival qui s’est très vite installé comme un rendez-vous incontournable de la planète noire. La plus impressionnante délégation nous vient bien sûr des États-Unis, avec une liste de noms susceptible de faire perdre son sang froid à n’importe quel lecteur de romans noirs : Matt Rees, Jake Lamar, Joe R. Lansdale (dont le dernier roman, Du sang dans la sciure, vient de paraître aux éditions du Rocher) et, bien sûr, George P. Pelecanos.
L’auteur de King Suckerman revient aux affaires avec un polar puissant et ample (Les Jardins de la mort, Seuil), dans lequel on suit les destins de trois flics qui se retrouvent confrontés à une affaire vieille de vingt ans.
La ville de Washington, l’importance de la musique dans son écriture, la dimension «sociologique» du roman noir.
La littérature anglo-saxonne sera aussi représentée par des auteurs britanniques, dont la célébrissime Minette Walters, qui vend des livres comme d’autre des petits pains, ou Mark Billingham, que les accros connaissent notamment pour son héros fétiche, Tom Thorne.
Et puisque le polar prend évidemment racine dans l’ensemble des pays européens, on vous invite notamment à découvrir l’allemand Veit Heinichen, créateur du fameux commissaire Laurenti, l’immense romancier espagnol José-Carlos Somoza, ou les italiens Di Cara et Perissinotto.Témoins clés
Quais du Polar sera aussi l’occasion de retrouver Arnaldur Indridason, l’un des représentants, avec Anne Holt et Karin Alvtegen, d’une littérature noire scandinave qui déferle dans les librairies et séduit les lecteurs du monde entier.
Ce dernier vient tout juste de publier L’Homme du lac, dans lequel on retrouve le mythique commissaire Erlendur…
Quant aux Français, ils seront bien sûr en nombre. Des grands spécialistes du genre, comme Claude Mesplède (auteur du Dictionnaire des littératures policières), Patrick Raynal (qui fut directeur de La Série Noire pendant près de quinze ans) ou Didier Daeninckx, des femmes au tempérament très affirmé (Dominique Sylvain ou Sylvie Granotier), et même des romanciers plus «bankable» comme Romain Sardou ou Guillaume Musso.
Précisons que tous ces auteurs seront réunis par 4 ou 5 pour des tables rondes thématiques : L’Amérique, le polar historique, le lien entre journalisme et roman noir, les personnages récurrents, le polar religieux, l’évolution des flics et des voyous, le thriller et, actualité oblige, un débat autour de mai 68 et de ses conséquences dans la naissance du néo polar social à la française…
Quant au Café Polar, qui propose de petites rencontres individuelles, il tournera cette année autour des villes du roman noir : Washington, avec Pelecanos, mais aussi Londres, avec Mark Billingham, Turin, Dublin ou Lyon (en compagnie de François Boulay et Romain Slocombe).Fondus au noir
Si la littérature est au cœur du festival, celui-ci n’en néglige pas pour autant les autres continents de la planète polar, à commencer par le cinéma.
Un auteur comme Tonino Benacquista, à la fois écrivain (on retrouve notamment ses romans noirs en un volume chez Folio) et scénariste (Sur mes lèvres, De battre mon cœur s’est arrêté), est l’exemple des ponts qui lient les deux genres.
Les films qu’il a choisi de présenter lors de la soirée intitulée «Carte blanche à Benacquista» sont d’ailleurs pour la plupart tirés de polars : La Mariée était en noir (d’après William Irish), Mortelle randonnée (d’après Mark Behm), Les mois d’avril sont meurtriers (d’après l’œuvre de Robin Cook…
Parmi les autres évènements cinéma, notons le week-end consacré au polar asiatique à l’Institut Lumière (avec The Mission ou Infernal Affairs), une rencontre avec le comédien Clovis Cornillac pour son rôle dans le film de Thomas Vincent, Nouveau protocole, et la projection des courts métrages qu’a tournés Jean-Pierre Mocky pour la chaîne 13e rue, dans lesquels on retrouve notamment Claude Brasseur et Jean-Hugues Anglade.
Autre genre abordé, la bande dessinée sera bel et bien présente pour cette grande fête du polar dans tous ses états. On vous a déjà parlé dans ces colonnes de l’excellent Laurent Astier et de sa série Cellule Poison, chronique d’une jeune femme flic infiltrée pour sa première mission dans un réseau de prostitution.
L’autre invité à ne pas manquer est sans aucun doute le dessinateur Guillaume Martinez, qui avait notamment livré une série passionnante en compagnie du scénariste Kris, Le Monde de Lucie. Deux projets à l’univers singulier et affirmé, qui montrent que la BD à son mot à dire dans le courant noir…
Sachez, pour terminer, que les jeunes lecteurs sont évidemment associés à ce festival, avec un espace réservé au Palais Bondy, ainsi que de nombreux auteurs jeunesse invités.
On ne peut évidemment pas faire le tour des autres activités proposées pendant ce festival (enquêtes, lectures, ateliers, spectacles, concerts) dans l’ensemble de la ville, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le week-end s’annonce chargé. Le noir vous va si bien !