Inquiétudes hexagonales

Pour sa 21e édition, Drôle d’endroit pour des rencontres tire un portrait fidèle du cinéma d’auteur français d’aujourd’hui : sombre, engagé et résolu à exister coûte que coûte. Christophe Chabert

Si l’objectif de Drôle d’endroit pour des rencontres (aux Alizés de Bron) est de faire le point sur ce qui travaille le cinéma français — du moins celui qui n’est pas fait par les producteurs et les yes men de la réalisation — alors cette édition 2011 est de toute évidence une réussite. Car les films proposés illustrent, chacun à leur manière, l’inconscient d’un cinéma d’auteur qui n’a pas envie de rendre les armes. Cet inconscient s’avère particulièrement inquiet, ramenant échos des guerres passées et bruit des conflits en cours, lutte des classes d’autant plus violente qu’elle est niée par une partie de la classe dirigeante et montée des fondamentalismes religieux. Pas de quoi rire, et il faut appeler nos voisins belges au secours (Le Grand’Tour de Jérôme Le Maire, présenté le dimanche 29) pour trouver une vraie comédie au sein de la programmation.

Noirs désirs

L’Hexagone rumine donc des idées noires. Avec Possessions (le 28, en présence du réalisateur), Éric Guirado donne un sombre contrechamp à son feel good movie à succès Le Fils de l’épicier, en romançant le fait-divers survenu au Grand Bornand. Deux choses frappent dans ce troisième long plutôt réussi : la capacité du cinéaste à dessiner un discours social clair et radical sans pour autant faire du Tavernier, c’est-à-dire blâmer un camp ou, pire encore, la "société". Il le fait, deuxième qualité, en laissant flotter sa mise en scène au gré des sensations des personnages et de leurs désirs, aussi matérialistes soient-ils. Avec La Désintégration (le 26, en présence du réalisateur), l’excellent Philippe Faucon fait l’inverse : le côté film-dossier (la dérive de trois jeunes en perte de repères se transformant en jihadistes) est désamorcé par une mise en scène coupante, proche de la série B. Reste à savoir où Faucon veut en venir sa démonstration implacablement accomplie, puisqu’il refuse d’apporter la moindre réponse aux questions qu’il soulève. Le film le plus fragile de cette édition sera sans conteste Fleurs du mal de David Dusa (le 26 en présence du réalisateur). Après Donoma, le cinéma français confirme qu’il existe une place pour les objets sauvages et ultra-sincères jusque dans leurs défauts. Cette romance entre un jeune break-dancer et une Iranienne fuyant la répression post-révolutionnaire ressemble à ce que devrait être un VRAI premier film : de l’authenticité plutôt que de la technique, de la fraîcheur plutôt que du cynisme, un propos plutôt que de la pose. Soyez curieux, allez le voir…

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