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Photo : DR
Comme dans la chanson de Biolay, bien avant de commencer, on sait déjà que tout est foutu. Mais puisque pour le jeune écrivain lyonnais Pierre Ducrozet, ce qui compte ce n’est pas la destination mais le mouvement qui y mène, il est grand temps de retrouver cet auteur écorché vif qui lira ce samedi à Decitre des extraits de son captivant deuxième roman, "La Vie qu’on voulait". Nadja Pobel
C’est l’histoire de gens qui en sont revenus. Des courses effrénées pour intensifier leur vie, des risques pris en se jouant de la légalité (en sniffant, en tuant à la petite semaine), des changements d’identité à tour de bras. Mais ceci n’est pas consigné dans un livre de vieux con. Bien au contraire. Pour son deuxième roman, Pierre Ducrozet, trente ans, a choisi un titre fort et magnifique, plein de promesses - mais des promesses au passé - : La Vie qu’on voulait.
Ils sont cinq, Lou, Eva, son frère Théo, Camille/Quentin et Manel, le plus agité d’entre eux, celui qui surgit dès le début du livre, silencieux dans un hôpital parisien. Un parasite ? Non, le début de la bobine qui permet de dérouler le passif de ceux-là qui, dix ans auparavant, à peine sortis de l’adolescence, voulaient aller se brûler les ailes à Berlin, Londres ou Barcelone. Et qui l’ont fait. Ainsi va la vie parait-il : parmi les personnes qui rêvent d’aller voir si elle est plus palpitante ailleurs, il y a celles qui restent à quai et les autres. Pierre Ducrozet nomme cette génération cramée la génération grise. Elle n’aime pas la vie proposée, refuse de marcher dans les clous, et travailler, fonder une famille, rester dans sa patrie est une Sainte-Trinité pétainiste qu’elle a en horreur. «Ce sont des conneries adolescentes – Non c’est tout ce qu’on avait. On n’a plus rien» répond Manel à Lou à mi-roman...
La peau
... mais Lou rétorque «Moi, j’ai tout». Et c’est bien toute l’articulation de ce roman écrit de manière syncopée et comme dicté par les halètements d’une course de haies : en grandissant, certains ne veulent plus aller nulle part et se contenteraient bien d’«avoir un jardin. Planter des hortensias et un beau saule pleureur. Avoir des enfants peut-être pour qu’ils jouent sous les branches». «Manel se serait voulu un événement» écrit l’auteur, mais pas sûr que le bonheur se niche dans l’exceptionnel.
Ce roman plus âpre et difficile à dompter que le précédent, Requiem pour Lola rouge (Prix de la vocation 2011), n’en est pas moins une émanation assez logique in fine, comme si l’indomptable Lola s’était démultipliée. Il est toujours question de pérégrinations (en passant par la rue Neuve de Lyon !), de phrases qui claquent parfois comme des slogans au milieu d’un dialogue entre deux paumés, et de sensations. Au point qu'on pourrait prendre le pouls du livre tant il respire fort - la peau, «celle qu’on écorche, qu’on caresse, qu’on étouffe à trop éteindre», n’en est pas par hasard un élément central.
Pierre Ducrozet
Lecture musicale à la librairie Decitre-Bellecour, samedi 22 juin
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