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"Mobylette" de Frédéric Ploussard : grande brêle

Roman / Depuis l'Ardèche, où il vit désormais, l'auteur lorrain Frédéric Ploussard a commis l'un des plus terribles (et sans doute le plus drôle) romans de la rentrée littéraire. Ça s'appelle Mobylette, c'est nourri au mélange et ça pétarade sec.

Originaire du Clinquey, qui figure une version fictionnelle de Briey — riante cité de Meurthe-et-Moselle dont les deux plus illustres pensionnaires furent Michel Platini qui en fréquenta le collège (L'Assomption) depuis son Jœuf voisin et Francis Heaulme qui passa son enfance dans la Cité Radieuse tracée par Le Corbusier — Dominique est un homme trop grand, « un mec au-delà », qui aurait dû s'appeler Laurent mais finalement non.

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Dominique est éducateur spécialisé dans les Vosges, au foyer de la Dent du diable, un nom qui pose le décor. Dominique s'occupe de gamins passablement cintrés : Franck a pour hobby d'étêter des poules (« c'était notre spécimen de la catégorie chasseur-cueilleur, ce garçon. (…) Il avait joué au foot pendant une semaine avec un chat mort avant d'être exclu du club de foot. (…) Il était le seul gosse que j'avais vu mordre un chien »), Cindy aime un peu trop les flammes (« Le psychiatre du secteur n'avait rencontré Cindy qu'une fois depuis son arrivée au foyer. Quatre minutes d'entretien et il avait dû refaire son bureau suite au début d'incendie »), Adama attaque la camionnette de la boulangerie au javelot, ensemble ils détruisent un cinéma pendant une séance de Fast & Furious. Généralement, pour les calmer, Dominique s'assoit sur eux.

Si l'éducateur supporte ces diablotins, mieux, les aime, c'est sans doute parce qu'il a eu une enfance guère plus douce qu'eux, entre une mère qui collectionne les cadenas et lui interdit de s'assoir pour éviter la scoliose, un père obsédé par le fait que son fils parle allemand, entre autres qualités, pas mal de passages à tabac dûs à sa taille et le rêve d'une brêle pour tailler la route.

Faiblesse du critique, il n'y a pas grand chose à dire de ce Mobylette, — on n'ajoutera pas plus de spoiler — à part que c'est un roman terrible et jouissif. Terrible car il fait le portrait d'âmes et de corps perdus pour la patrie et à peu près tout le reste. Jouissif car il le fait dans une langue qui repeint la vie à la sulfateuse à sarcasmes. Cette langue agit comme ces adolescents à l'origine des conneries les plus invraisemblables : elle donne de l'imagination à la réalité d'une Lorraine qui n'en finit plus de s'effondrer sur elle-même, à un avenir qui a de furieux airs de passé révolu déjà pas reluisant.

S'il fallait parler de territoires littéraires et plus seulement géographiques, ici, au pays de Frédéric Ploussard, c'est un peu comme si "les enfants" du Goncourt Nicolas Mathieu étaient gardés par le John Kaltenbrunner de Tristan Egolf (Le Seigneur des Porcheries) dans un roman signé par un variant français de John Kennedy Toole.

Ici, on conjure aussi beaucoup d'imbéciles, ça fait du bien.

Frédéric Ploussard, Mobylette (éd. Héloise d'Ormesson)

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