Les Méduses

Caméra d'or au dernier festival de Cannes, un beau premier film israëlien de Etgar Keret et Shira Geffen, où les destins croisés de personnages largués dessinent une vision poétique des solitudes contemporaines.

The Bubble, le dernier film (pas génial) d'Eytan Fox, désignait Tel-Aviv comme une enclave d'insouciance dans un pays, Israël, en proie au désordre et à l'inquiétude. C'est de là-bas que provient aussi Les Méduses, et ses deux cinéastes (Etgar Keret et Shira Geffen) ne se soucient guère en effet de l'environnement politique ; au contraire, le monde dans lequel leurs personnages évoluent prend soin de cultiver son autarcie. Et si en définitive Les Méduses parlent quand même de son époque, c'est sur un mode nettement plus allégorique et existentiel.

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Ultra-modernes solitudes

Une mariée se casse la jambe le jour de son mariage, compromettant son voyage de noces ; son mari tombe sous le charme de l'écrivain séduisante qui partage le même hôtel que le couple ; une jeune photographe n'en finit plus de finir son histoire d'amour et de régler ses comptes avec sa mère ; une serveuse de restaurant se fait virer et recueille une mystérieuse petite fille qui ne quitte jamais la bouée qu'elle a autour de la taille... Les petites histoires entrecroisées du film jouent la carte de l'anecdotique, mais ces anecdotes révèlent toutes une impasse et une forme d'ultra-moderne solitude, sans tomber dans le misérabilisme ou le constat sociologique attendu.

Les Méduses se démarque ainsi de la plupart des (nombreux) autres films-chorales sortis ces deux dernières années sur deux points : d'abord, chaque récit est en soi passionnant, ne révélant aucun maillon faible venant faire boiter l'ensemble. Et, surtout, Keret et Geffen cherchent sans arrêt des échappées vers une forme de fantastique et d'onirisme, prenant le risque assumé d'une poésie symbolique. La plus belle idée est de toute évidence cette gamine apparue sur une plage, mutique et toujours mouillée, instantané du passé qui s'invite dans le présent pour en changer le cours. Et quand Les Méduses croisent les grandes questions contemporaines (immigration, chômage, précarité), il le fait sans jamais s'appesantir dessus, toujours avec pudeur et discrétion, en se concentrant sur les drames intimes de ses personnages.

Si le film sait émouvoir, il conserve cependant un humour constant et très efficace, servi par une caméra fluide et légère ainsi que par une superbe photo (du Français Antoine Héberlé). Bref comme un songe, conceptuel mais toujours incarné, Les Méduses n'a pas volé sa caméra d'or cannoise.

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