Zoom / Une demi-heure peut-être au Centre Pompidou à Paris, yeux écarquillés, à regarder une grande toile de Cy Twombly. Ça ressemblait à des pétales de feu, des fleurs explosant en grosses masses rouges, avec des coulées de peinture partout, beaucoup de blanc, quelques taches brunes. Ça ne ressemblait donc, à proprement parler, à rien, et pourtant tenait miraculeusement ensemble. Panique des sens quand tout tient en chancelant continuellement... Présent avec une œuvre dans le cadre de l'exposition Le Plaisir au dessin, Cy Twombly est né en 1928 à Lexington en Virginie. Après un séjour au Black Mountain College en 1951 (où il côtoie Motherwell, John Cage, Merce Cunningham...), avoir dessiné dans le noir lors de ses obligations militaires dans un service de cryptologie, il s'installe en 1959 en Italie et vit depuis entre Rome et les États-Unis. On distingue en général dans son œuvre plusieurs périodes : les premiers graffitis et griffures des années 1950, l'explosion créative du début des années 1960 avec des pictogrammes et des idéogrammes nerveux et sexuels, les collages des années 1970 et les grandes toiles dédiées à la mythologie gréco-latine, les explosions florales des années 1980-1990... Le petit dessin présenté au Musée des Beaux-Arts, Priapus 1961-1962, appartient à l'époque de bouillonnement spermatique et érotique de l'artiste, éparpillant sur la feuille divers organes ou allusions sexuels. En 1961 précisément, le critique d'art Pierre Restany écrivait : «Son graphisme est poésie, reportage, geste furtif, défoulement sexuel, écriture automatique, affirmation de soi, et refus aussi... Il n'y a ni syntaxe ni logique, mais un frémissement de l'être, un murmure qui va jusqu'au fond des choses». Mais c'est Roland Barthes qui a écrit l'un des textes les plus puissants sur l'artiste, se terminant sur ces mots sublimes tirés du Tao Tö King : «Il produit sans s'approprier, Il agit sans rien attendre. Son œuvre accomplie, il ne s'y attache pas, et puisqu'il ne s'y attache pas, son œuvre restera». JED
