Option Musique

Panorama / Un rien tardive, la rentrée musicale a fini par arriver et, comme chaque année, on a hâte de découvrir nos nouveaux petits camarades. Revue d'effectif d'une classe musicale automnale plutôt bien fréquentée. Stéphane Duchêne

Rentrée des classes, rentrée politique, rentrée économique, rentrée universitaire, rentrée télé, rentrée culturelle, dans la profusion de rentrées qui relient les embouteillages aoûtiens aux processions de chrysanthèmes, on a bien cru que quelqu'un avait oublié d'organiser la rentrée musique. Quasiment rien à se mettre sous la dent avant fin septembre/début octobre, et, à l'heure où nous reprenions le travail, la promesse redoutable d'une possible traversée du désert. Il est vrai que l'été des festivals étant devenu une saison culturelle à part entière, groupes, programmateurs et tourneurs furent probablement un peu dépourvus (et fatigués) quand la bise de l'automne fut venue. Mais après les traditionnels aménagements de classe (la nouvelle configuration du Kafé, le changement d'appellation de Musiques à l'Ouest (MJC Oullins) en «Clacson» (attention à l'orthographe quand même)), les traditionnels «départs en retraite» et arrivées de nouveaux (un nouveau programmateur au Ninkasi en lieu et place de Thierry Pilat), et les jubilés du Ninkasi et de Mediatone, tout a fini par rentrer dans l'ordre juste. Cette fois ça y est, la cloche a sonné, tout le monde en rang par deux, on va faire l'appel. École buissonnière
Bien entendu, une fois nommé le chef de classe Dominique A, premier sur la liste alphabétique, on repère les chouchous : premiers de la classe un peu réservés, toujours très appliqués, on attend déjà avec impatience les exposés d'Andrew Bird et Syd Matters à l'occasion du Festival Just Rock ? (voir par ailleurs). De même pour Cocoon, jeune duo Clermontois au folk mixte et raffiné, ou Beirut, premier prix de géographie venu du Nouveau Mexique, accro à la musique des pays de l'Est et à la France. On accueillera aussi avec fébrilité les prestations des surdoués adeptes de l'école buissonnière, non scolarisables pour des questions de sureffectif comme les joyeux Choristes suédois I'm from Barcelona (24 membres) ou rangés de manuels scolaires qui offrent des possibilités trop limitées à leur imaginaire foisonnant : Animal Collective, toujours fidèles à Lyon et auteurs d'un des albums de l'année, Pinback, Blonde Redhead ou Yacht, acolyte émancipé de Devendra Banhart, bien moins bling-bling que les navires de Bolloré.Correspondant allemand
Bien sûr, il s'agira de surveiller comme le lait sur le feu, les «fortes têtes» qui n'écoutent rien, passent leur temps à déclencher l'alarme incendie (Liars, Svinkels, Eiffel, Prohom ou les candidats rivaux au titre de «Noir Désir par intérim», Luke et Deportivo), fument en cachette (Arno, Le Peuple de l'Herbe) ou finiront par incendier la cantine (Arnaud Michniak, ex-Diabologum et Programme, toujours aussi à cran). Et parce qu'on les échangerait bien contre quelques-uns de nos autochtones (Aaron, Superbus, Aston Villa, Grand Corps Malade, Rose et «Da Vinci» Claude Mc Solaar peuvent décidément mieux faire), il sera temps d'accueillir les traditionnels correspondants anglais, disponibles en format classique, dissipé et bruyant (Dead 60's, The Bishops, Electric Soft Parade, et les brillants arrivants dont le nom est un régal à prononcer : The Strange Death of Liberal England !), ou en version studieuse comme Tom Mc Rae ou Nick Talbot (Gravenhurst). Attention, si votre fille préfère accueillir un corres' allemand à tête de hérisson (Tokio Hotel), ne cédez pas et envoyez-là plutôt lire Les Souffrances du Jeune Werther, ça lui fera les pieds.Le doyen du collège
Et puisqu'on parle de filles, elles se feront plutôt rares dans la cour de récré mais il y en aura pour tous les goûts : brunes piquantes (Emily Loizeau) ou frondeuses (Electrelane, Miss Kittin), blondes faussement branchées (Vanessa Paradis) ou vraiment ringardes (Maïdi Roth, la chanteuse dans «Plus Belle la Vie») et surtout «petites nouvelles» décolorées et dévergondées (l'australienne Micky Green). À ce sujet, gare à la concurrence féroce des beaux gosses type Benjamin Biolay ou Axe Riverboy (alias Xavier Boyer de Tahiti 80) et des adeptes des histoires belges (Zita Swoon, et les «Libertines de Bruxelles», The Tellers, à suivre de très près). Enfin dans une classe, il y a toujours un type qui, ayant connu plusieurs vies (et plusieurs 4e), est toujours en 3e à 19 ans, à jouer les vieux briscards caractériels au milieu des gamins parce qu'il connaît la musique (Chuck Berry, 81 ans, Calvin Russell bientôt 60). Comme pour les metalleux, encore nombreux cette année, la fréquentation du doyen du collège est souvent embarrassante (Ange, Status Quo dont le seul titre de gloire est d'être le groupe préféré du Prince Charles, grand exégète de la chose rock n'roll) mais il peut vous apprendre deux ou trois riffs bien «chanmé» sur sa gratte (New Model Army, Parabellum, The Legendary Pink Dots). En attendant, on s'assoit gentiment et on sort son agenda !