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La danse dans son élément

Danse / Odile Duboc et Pierre Droulers ont créé chacun une pièce pour le Ballet de l'Opéra de Lyon. Deux chorégraphies résolument contemporaines et vivement conseillées. Jean-Emmanuel Denave

Un long muret vert en fond de scène, une quinzaine de danseurs aux costumes pastels, des nappes de lumière diffuses tendant vers le gris et variant d'intensité, une déambulation silencieuse puis, soudain, un solo doux-amer, tendu, tranchant nous immerge peu à peu dans l'univers d'Odile Duboc nourri de «portés d'air» et de «coulées d'eau», «d'envol et de liquidité», «d'états du corps traversé par les éléments». Une danse tout à la fois abstraite (au sens où elle ne décrit aucune histoire ni expression psychologique), fluide et graphique. Faite de lentes, souples et douces rêveries du corps qui peuvent tout à coup s'accélérer en une folle course dispersée, comme l'ordre fragile du groupe éclater en désordre, une ligne de danseurs se briser au sol, un mouvement revenir en arrière, un geste s'étioler, fondre. Certaines figures à trois danseurs émergent au milieu du groupe, se répètent, se décalent... il n'en restera plus tard, ailleurs, que l'écume, un mouvement de bras, une trace. S'égrènent aussi de très beaux portés en diagonale réalisés quasiment au ralenti, où les danseuses semblent un bref instant suspendues dans leur envol inachevé. «Je ne suis pas dans la théâtralité mais dans la relation à la musique, aux autres, à l'espace», confie Odile Duboc. Ineffable et intuitive, sa pièce nous traverse tel un souffle lumineux et musical, chargé aussi de chair et de matière.Ronde urbaine
All in all de Pierre Droulers est une création plus rugueuse et âpre. Ce chorégraphe méconnu, considéré comme l'un des acteurs du renouveau de la danse belge des années 80, lance ici huit danseurs dans une marche rapide, rythmée par le claquement de leurs pas. Marche continue, hypnotique, aveugle et mécanique, comme celle qui vous happe et vous submerge dans les grandes villes. Les danseurs, bizarrement accoutrés, sont accompagnés dans leur cadence urbaine par la bande son bruitiste, parfois sourde et inquiétante, d'eRikm. Soudain quelqu'un s'effondre ou dévie de son trajet, on le relève, on le remet dans le rang : geste amical ou rappel à l'ordre, qui sait ? Boum-boum, ça continue. D'autres se cachent dans leurs propres vêtements esquissant une sculpture éphémère, se blottissent sous l'un des tréteaux qui encadrent la scène, ou improvisent un duo comme l'ébauche d'un geste amoureux. Des petits gestes absurdes viennent encore fendre la machine : une cuvette portée au-dessus de soi ou plaquée sur un visage, un ruban adhésif qu'on s'arrache des jambes, une danseuse qu'on transporte dans une poubelle... L'univers de l'artiste Ervin Wurm (exposé actuellement au MAC) est très présent ici : utilisation sculpturale des vêtements, goût pour l'absurde et l'éphémère, gestes incongrus perturbant le cours des choses, transposition de situations triviales pour en dire l'aspect burlesque ou angoissant... Chez Droulers, comme chez Wurm, la marche du temps ne va pas sans dérapages, torsions et accidents.

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