Rage avec les machines

Festival / Le Festival Digital Uppercut fait état de l'apport des nouvelles technologies aux arts «anciens». On y découvre Franck II Louise, chorégraphe précurseur du mouvement hip-hop dans les années 80, qui prouve avec le stupéfiant Konnecting Souls qu'il possède toujours une longueur d'avance sur le devenir de la matière dansée. François Cau

Difficile d'être préparé au véritable choc conceptuel dispensé par le dernier spectacle de la compagnie Franck II Louise. De fait, le parti pris de départ intrigue, voire met carrément l'eau à la bouche : les danseurs (comme le décor) sont munis de capteurs sonores, le but de cette démarche étant de créer la bande originale de la pièce via les mouvements chorégraphiés, ou par les interactions des interprètes avec leur environnement. L'idée est bonne, mais c'est sa mise en œuvre qui rive le spectateur à son fauteuil. Nourri depuis son plus jeune âge au biberon de la science-fiction (des auteurs fondateurs à l'école Métal Hurlant, Druillet, Moebius et consorts), Franck II Louise a élaboré une scénographie post-apocalyptique imposante et épurée : en dehors d'une gigantesque structure métallique, protubérance informe jaillissant de nulle part, le plateau voue sa largeur à la seule expression dansée, seulement perturbée par quelques faisceaux lumineux enfermant les danseurs dans des limites ne demandant qu'à être explosées. Les costumes des quatre interprètes versent également dans le fantasme futuriste oppressant : des treillis sur lesquels se juxtaposent des harnachements mécaniques participant donc à l'élaboration de la texture sonore. Breakin' AndroidsPassé cette première découverte visuelle, le spectacle débute par un solo mêlant break et mouvements plus "classiques", tandis que les autres danseurs restent reclus dans des poses quasi animales. Cette introduction nous dévoile déjà tout le potentiel de Konnecting Souls : en stupéfiante adéquation avec les figures exécutées par le danseur, la bande sonore évoque un solo de scratch à la Birdy Nam Nam (pour l'atmosphère), les passements de jambes figurant le glissement des doigts sur un vinyle. Un exceptionnel tour de force quelque peu atténué par la suite, le temps de laisser au spectateur le soin de se remettre et de présenter les autres performers, créatures forcément marquées par l'amas technologique qu'elles portent en permanence. Leurs mouvements se font incertains, des duos se forment puis se déchirent, leurs allers et venues créent une montée musicale aux échos technoïdes. Les quatre danseurs en viennent à adopter un rythme évoquant un exercice militaire, leurs pas martèlent le sol en cadence. Niveau son, on est passé de la techno au hardcore en une poignée de minutes, l'agressivité monte crescendo. Puis un sain processus d'humanisation se met en place, dans une création exhalant un indicible pessimisme, tout à fait raccord avec l'univers traité. Au sein de sa barbarie technologique, la chaleur humaine parvient à rejaillir par petites touches. Un miracle de plus à porter au crédit du spectacle qui nous a le plus traumatisé cette année.Digital UppercutAu Toboggan à Décines, du 24 au 27 avrilKonnecting SoulsLe 27 avril à 20h30

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