Les poursuivants

Poseidonde Wolfgang Petersen (EU, 1h38) avec Kurt Russel, Josh Lucas...Et bien celui-là, on l'avait pas vu venir ! On appréhendait le film-catastrophe plan-plan, avec une heure et quart d'exposition des personnages pour un quart d'heure d'apocalypse, et c'est tout l'inverse qui se produit. Dix minutes de présentation et c'est parti, vague de 50 mètres à l'horizon, bateau renversé à 180° et une poignée de survivants (Kurt Russell en tête) tentant d'atteindre la surface dans un simili-labyrinthe rempli de pièges mortels et de cadavres flottants. La réalisation en jette (après Das Boot, et En pleine tempête, Wolfgang Petersen est décidément à l'aise en termes de climax maritimes), le rythme ne faiblit pas une seconde, et certaines séquences surprennent même par leur virulence (la conclusion de l'épisode de l'ascenseur, qui jette un méchant froid...). Alors, certes, on ne quitte jamais le domaine du "gros blockbuster de studio ultra-calibré destiné à séduire le plus grand monde", mais bordel, qu'est-ce que ça fonctionne bien... DGComme t'y es belle !de Liza Azuelos (Fr, 1h25) avec Michèle Laroque, Aure Atika, Valérie Benguigui...Si vous avez grandi dans une famille juive. Si vous avez grandi dans une famille de rapatriés d'Algérie. Si vous aimez les femmes qui en font trop ou celles qui ne font rien, les histoires d'amour qui finissent bien, que vous connaissez les paroles des chansons de Céline Dion etou celles des 10 Commandements, Comme t'y est belle ! est fait pour vous. Dans le genre, ça fait bien longtemps qu'on n'avait pas fait aussi bien, et ce n'est pas "La Vérité si je mens-mange tes clichés" qui viendra nous faire dire le contraire. Dans Comme t'y es belle !, les femmes n'ont qu'une préoccupation, trouver un mec (juif si possible) ou se débarrasser de l'actuel (celui qui regarde le foot en vous prenant pour la bonne). Bonne qui accessoirement risque d'être expulsée faute de papiers... (Dieu merci !) elles ne sont pas dans le besoin, portent des T-shirts I love Caviar et font des régimes quand elles dépassent 51 kilos. Le tout sans tomber dans le ridicule et mené par une distribution qui fait des miracles. Dans le genre comédie inoffensive, on vote pour. DA Volverde Pedro Almodóvar (Esp, 2h01) avec Penelope Cruz Carmen Maura, Lola Dueñas, Blanca Portillo...D'abord il y a Penelope Cruz, sublime. Dans Volver, Almodovar lui taille un rôle comme la belle n'en n'avait pas eu depuis quelque temps déjà. Elle est Raimunda, mère courage enchaînant les jobs harassants et flanquée d'un bon à rien de mari, d'une ado de fille, d'une vieille tante mourante et d'une sœur coincée. Le mari ne nous gêne pas longtemps. Dans Volver, Amodóvar se débarrasse des hommes pour laver le linge sale entre femmes. Et il y a de quoi faire. Le retour d'une mère morte depuis quinze ans (grandiose Carmen Maura), un cadavre dans le congélo et des repas pour trente, Pedro ne s'encombre ni de réalisme ni de morale. Ça chante l'Espagne et les femmes, c'est beau, drôle et touchant, alors pourquoi ? Pourquoi faut-il qu'Almodovar s'encombre d'un secret qui se donne comme une fille aussi facile que défraîchie ? Cela reste un mystère et une déception que l'on a du mal à digérer. DABled number onede et avec Rabah Ameur-Zaimeche (Fr-Alg, 1h37) avec Meriem Serbah, Abel Jafri...Il y a une scène dans Bled number one qui résume à merveille les enjeux du film - le deuxième de l'acteur-réalisateur Rabah Ameur-Zaimeche, après le remarqué Wesh Wesh, qu'est-ce qui se passe ? Sur une colline, au-dessus d'un lac, le "héros" - qui a toutes les peines du monde à s'adapter à sa nouvelle vie dans son village algérien après être passé par la case prisonexpulsion en France - voit son vague à l'âme accompagné, au son et à l'image, par la guitare et la voix de Rodolphe Burger (ex-Kat Onoma). Cette apparition incongrue d'un personnage tout aussi inadapté à son terreau d'origine (pas évident de marcher dans les traces de Lou Reed quand on est alsacien !) colle parfaitement aux multiples tiraillements du film et à son subtil jeu de tiroirs : Louisa, la libérée, maltraitée par son frère, pourtant modéré, lui-même menacé par de jeunes radicaux à peine pubères. Entre grâce des rituels, poids de la tradition et modernité à double tranchant, un voyage sinueux au regard documentaire incisif et éclairé.EAInside mande Spike Lee (ÉU, 2h10) Denzel Washington, Clive Owen, Jodie Foster...Un hold-up qui vire à la prise d'otages ; des braqueurs qui ne cherchent peut-être pas ce qu'on croit qu'ils cherchent ; des flics pas toujours brillants qui jouent le match de leur vie... Le dernier Spike Lee est un film de commande, mais une commande à laquelle il parvient à insuffler une certaine classe et à apposer sa griffe. On retrouve son humour grivois toujours réjouissant, l'élégance de ses dernières mises en scène et la respiration post-traumatique de la cité new-yorkaise, merveilleusement saisie dans La 25e heure. Pas transcendant, mais par les temps qui courent, une commande dignement honorée par un valeureux artisan, ça ne se refuse pas.EAOSS 117de Michel Hazanavicius (Fr, 1h39) avec Jean Dujardin, Bérénice Béjo...Tout nous donnait raison de craindre le pire. Un projet construit sur la montée crescendo de la popularité de Jean Dujardin, qui surferait sur la résurrection d'un pan oublié du patrimoine artistique français - les tentatives récentes dans le genre allant du passable (Les Brigades du Tigre) au franchement atroce (San Antonio) en passant par l'involontairement hilarant (Belphégor). Et puis, dans la nuit sombre de la prod' nationale, un espoir, un doute : le manitou derrière ce projet serait le responsable du très culte et très con Grand Détournement, et le produit fini serait loin d'être honteux. Au sortir de sa quatrième vision (et oui...), l'évidence se fait jour : on ravale sa bile et on applaudit des deux mains à la réussite éclatante d'un futur classique de la comédie française, dont la moindre réplique vaut son pesant. On reconnaît que la gamme humoristique se situe bien en marge, dans un ancrage déférent au non-sens de la série Z où il puise sa sève, quitte à ce que cette immersion paraisse effacer tout le reste. Mais on le maintient tout de même en haut de classement, parce que "Jamais je ne cèderai devant la barbarie". FCMarie-Antoinettede Sofia Coppola (EU, 2h) avec Kirsten Dunst, Jason Schwartzmann...Dernier volet de ce qu'on espère être une trilogie sur des jeunes filles déphasées en plein spleen languissant. Car si la mécanique filmique est toujours bien huilée, le système risque fort de tourner court au prochain essai. Et encore, les tics de mise en scène ont beau être systématiques et apparents, on se laisse prendre au jeu mutin et fastueux du film sans se forcer. On oublie l'aura hype rôdant alentour, on savoure cette atmosphère désormais reconnaissable entre mille, on se prend au jeu langoureux d'une mise en scène aérienne, aux trahisons historiques savoureuses. Le charme opère au gré des sourires de Kirsten Dunst et des poses gênées de Jason Schwartzmann et on prend plaisir à squatter la fin de la fête en regrettant paradoxalement l'absence de gueule de bois. FCLe Caïmande et avec Nanni Moretti (Ita, 1h52) avec Silvio Orlando, Margherita Buy...Plus on y repense, et plus la relative déception -qui étreint forcément à la sortie du film- imputable au procès d'intention quant au traitement du sujet, a tendance à s'estomper. Le Caïman revendique son caractère fictionnel, en opposition casse-gueule avec le réquisitoire attendu. Sur des canevas narratifs certes rebattus, le génial Silvio Orlando compose un reflet usé d'une Italie brossée avec autant de fatalisme limite odieux que de tendresse. On le redit, le gimmick le plus efficace demeure l'évocation des années Berlusconi via cette vision d'un producteur de nanars sur le retour. Moretti a le bon goût de nous rappeler deux points essentiels : l'Italie a offert au monde les plus splendides séries Z et a donné le pouvoir à l'un de ses pires ersatz de bad guy. FC ISOLATION de Billy O'Brien (Irl-GB, 1h35) avec John Lynch, Ruth Negga...Les réalisateurs d'épouvante devraient davantage utiliser le décor de la campagne irlandaise, qui se révèle ici idéale pour créer une ambiance oppressante. Réalisé par Billy O'Brien, cet exercice d'épouvante champêtre a pour principales qualités un grand respect du genre choisi : l'univers d'Isolation est un bonheur pour les amateurs de frissons horrifiques premier degré. L'action se déroule dans une ferme irlandaise isolée : poussé par le manque d'argent, le propriétaire des lieux a laissé un savant mener d'obscures expériences sur des vaches. Mais les bidouillages génétiques auront des effets inattendus et redoutables. Isolation est un véritable film organique : c'est une nature épaisse, sensuelle et poisseuse qui envahit l'image dans sa révolte contre les apprentis sorciers. Si le point de départ du film n'est pas particulièrement innovant, il est soutenu par un sens très sûr du suspense et de l'épouvante. Il serait injuste de bouder cet intéressant spécimen d'horreur bovine ! NMEnfermés Dehorsde et avec Albert Dupontel (Fr, 1h30) avec Claude Perron, Nicolas Marié...Il peut paraître étrange qu'un artiste aussi exigeant qu'Albert Dupontel laisse son troisième long-métrage lui échapper dans son dernier tiers. On rétorquera que le film est d'une trempe cinématographique trop rarement atteinte dans nos productions nationales, que cette liberté n'a pas de prix, qu'elle n'a pas à rougir de ses glorieux modèles. Dupontel assume le fait d'avoir voulu faire un cartoon live pour son gamin, quitte à verser dans un discours naïf au possible et dans quelques facilités narratives, sous prétexte d'efficacité permanente. Mais, on le répète une dernière fois sous peine de se voir soupçonner de quelques corruptions ou autres coucheries, il y a plus d'urgence cinématographique et d'amour pour le 7e art dans le premier plan d'Enfermés Dehors que dans tous les films français actuellement à l'affiche (réunis). FCChangement d'adressede et avec Emmanuel Mouret (Fr, 1h26) avec Frédérique Bel, Fanny Valette...Ça va faire quelques longs-métrages qu'Emmanuel Mouret trimballe sa dégaine d'éternel tête à claques romantique dans des films de son cru, où se chevauchent marivaudages, badinages et autres choses d'un temps que les moins de vingt ans prétendent ne pas connaître. Dans un style évoquant du Rohmer scénarisé par un Woody Allen post-ado, il brasse la futilité avec une obstination méritoire. D'autant que son dernier opus passe un cran au-dessus et sabre dans l'arythmie qu'affectionnait jusqu'alors son maître d'œuvre. Changement d'adresse impose son style désuet par le biais de son metteur en scèneacteur dès les premières séquences ; les acteurs apprécient visiblement le décalage, donnent au film un doux parfum de détachement sensible et pour tout dire assez aguicheur (et oui, Dany Brillant ne se débrouille pas si mal). FCCARS de John Lasseter (EU, 1h56) animationEn route pour la compétition, la voiture de course Flash McQueen se perd en pleine cambrousse et se retrouve coincée dans une bourgade perdue. Le jeune coureur arrogant est forcé de côtoyer les bouseux rouillés et redécouvre les vraies valeurs. Chacune des productions Pixar est l'occasion de constater les progrès techniques effectués depuis la précédente ; ici, les prouesses de la réalisation de John Lasseter laissent admiratifs. L'hommage aux losers du rêve américain en prend d'autant plus de force : Cars est une balade souvent émouvante dans une Amérique mythique. Mais si les personnages forcent la sympathie, le film a les défauts de ses qualités. À force de vouloir donner de l'épaisseur à son scénario, Cars prend son temps, au point de marquer parfois l'arrêt. Le film aurait gagné à sabrer une vingtaine de minutes, quitte à perdre en émotion. On regrette de ne pas voir C ars dévorer la route. NM

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