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Légende urbaine

De Bowie à Morrissey, en passant par les Clash, Cure et autres Pixies, avec pourquoi pas un crochet par Léo Ferré et Radiohead, Richard Bellia a photographié en 25 ans tout ce que la scène musicale mondiale compte de mythes. Il a fait bien pire encore... Emmanuel Alarco

À la télé, derrière des platines, en train de photographier une rock star ou de faire des crêpes à Nuits Sonores, vous avez forcément déjà croisé Richard Bellia. Perplexes face aux multiples casquettes du bonhomme et à l'omniprésence de sa silhouette inimitable dans tout ce que la ville compte d'événements culturels, vous vous êtes même sans doute déjà demandés : "mais qui c'est ce type ?" Nous aussi. Au fil des années, au gré de conversations avec les "gens du milieu", puis avec l'intéressé lui-même, les fils d'une inextricable toile biographique nous sont apparus un à un. On a ainsi appris que l'homme avait fait de la radio, qu'il était à l'origine d'une grande campagne de sensibilisation au tri sélectif dans les festivals, qu'il touchait sa bille en cuisine et, surtout, qu'il était photographe. Et pas des moindres ! Du genre à traîner à Manchester dans les années 80 et à coucher sur pellicule quelques modestes groupes locaux, de New Order aux Smiths, en passant par les Happy Mondays.

La légende du rock en marche

À ce propos, Richard nous rappelle en début d'entretien l'adage de John Ford qui, entre la réalité et la légende, choisit "d'imprimer la légende". Le problème avec lui, c'est que sa réalité a déjà une sacrée gueule de légende. Scène primale Tout commence à Longwy, sous-sous-préfecture de Meurthe-et-Moselle récemment émue par la 24e place aux championnats d'Europe de Modélisme Racing Cars de Loïc Jasmin, où Richard voit le jour en janvier 1962. "Tous les gens connus qui viennent de là-bas sont complètement jetés : Reiser, Geneviève de Fontenay, Luchini..." Même si après vérification, le dernier cité ne semble entretenir aucun lien avec la bourgade lorraine, on veut bien souscrire à cette idée de dégénérescence très localisée, histoire d'enchaîner de façon capilo-tractée sur le grain qui concerne notre homme au plus haut point, celui de l'image photographique. "Je me suis mis à la photo à 18 ans. C'était dans une soirée chez un pote, il y avait un appareil qui traînait, je l'ai pris, j'ai mitraillé et quand les copains ont vu le résultat, ils m'ont tous dit "elles sont vachement bien tes photos !", je me suis dit que c'était ça que je devais faire." La suite, garantie 100% authentique, a de quoi vous créer un mythe : "j'ai acheté mon premier appareil et quand je suis sorti du magasin j'ai tracé à l'autre bout de la rue pour faire mes premières photos... C'était un concert gratuit !" La scène primale. 25 ans plus tard, la musique reste le seul carburant de Richard Bellia : "Tout ce que j'ai fait a toujours été lié à la musique : photographier des artistes, écrire sur eux, en parler à la radio, traduire des conférences de presse, organiser des voyages en bus pour aller voir des concerts..." De là à titiller la six-cordes, il n'y a qu'un pas. "Je suis un mauvais musicien. En fait, j'ai la main gauche, mais pas la droite. Le code, mais pas la conduite. Heureusement j'en ai fait le deuil depuis longtemps."

London Calling

Revenant au début des années 80, on est abasourdi par les secousses biographiques auxquelles est sujet le jeune Richard. Il rencontre les Cure, sympathise, les suit en tournée en Europe de l'Est, s'installe à Londres, voit une de ses photos miraculeusement publiée dans le Melody Maker et intègre finalement l'équipe du journal de façon officielle en 87. La presse française qui n'avait jusqu'alors manifesté que peu d'intérêt pour son travail ne perd évidemment pas une seconde pour lui mettre le grappin dessus et en fait un correspondant régulier, chargé de retranscrire en images le moindre soubresaut de la folle scène britannique. Plus tard, il fera encore plus fort : "j'ai été correspondant à Londres pour la RTBF, la radio belge. Le truc c'est qu'à l'époque je n'y étais plus, j'habitais en Suisse ! Toutes les semaines je décortiquais la presse anglaise et après j'appelais la Belgique pour tout leur raconter. Personne n'a jamais rien remarqué." La Suisse, la Belgique, la République Tchèque, après une dizaine d'années loin de ses terres, Richard rentre au pays, s'installe à Lyon et se lance une fois de plus dans une demi-douzaine de projets qui vont l'occuper pour la décennie à venir. Il participe à la création des magazines Trax, Rock Sound et Groove, s'occupe d'une agence de tourisme-rock, essaie d'amener un peu d'écologie dans son milieu naturel en pratiquant le tri des déchets dans les festivals et, cela va sans dire, photographie inlassablement. "Ce qui me tue, c'est les mecs qui aiment pas leur job, genre "bon, y a machin, je vais faire deux, trois photos et je vais me pieuter." Moi, 25 ans après, je trouve ça toujours aussi génial." Un enthousiasme communicatif qui se traduit souvent sur ses clichés par des sourires, voire des éclats de rire, chez des gens, comme Robert Smith ou Kurt Cobain, pas forcément connus pour leur appartenance à l'internationale de la déconne. "Un jour Nougaro m'a dit : "d'habitude, quand je fais des photos j'ai l'air sérieux, mais toi avec la gueule que tu as, je peux pas m'empêcher de rigoler !"" Et si Richard Bellia était remboursé par la sécurité sociale ?

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