Andrew le magnifique

Musique / Songwriter génial à la voix touchée par la grâce et au violon renversant, Andrew Bird revient à Lyon pour une nuit que l'on espère aussi magique que la première, il y a presque un an. Propos recueillis par Emmanuel Alarco

Comment es-tu tombé dans la musique ?Andrew Bird : J'ai commencé le violon à 4 ans, mais je n'ai jamais étudié le solfège. Je n'étais pas un prodige, mais j'ai appris vite, en déchiffrant le répertoire classique à l'oreille. À 16, 17 ans, tous mes potes écoutaient les Smiths, du gothique ou tous ces groupes de chez 4AD. Moi ça ne m'intéressait pas, ma musique goth', c'était le Requiem de Mozart ! Ensuite j'ai commencé à m'intéresser à la world music et je me suis mis à jouer dans les pubs lors de jam sessions irlandaises. Et puis j'ai découvert Django Reinhardt et ses enregistrements des années 30, Louis Armstrong, Sydney Bechet ; pendant un moment je ne pouvais imaginer meilleure musique que ce vieux jazz.Et le rock ?À l'époque ça m'ennuyait, je n'aimais pas le son chez 4AD par exemple, toujours trop de réverb'... Je n'aimais pas la façon dont la pop music passait son temps à rabâcher les refrains, encore et encore. Maintenant j'aime un peu plus, mais ça a intérêt à être un bon refrain ! J'aime bien le principe de la pop, cette idée de brièveté, d'aller à l'essentiel, mais je n'aime pas forcément le résultat.Tu composes au violon ?Je n'écris pas avec un instrument, c'est trop géométrique, ça conditionne forcément les idées. Je compose dans ma tête. Chaque jour, des tonnes de lignes mélodiques me traversent l'esprit, mais la plupart disparaissent. Si une mélodie revient le lendemain ou quelques jours plus tard, qu'elle me marque, il y a de bonnes chances pour qu'elle marque aussi l'auditeur, alors je la retravaille. Mais je n'écris jamais rien, je n'enregistre pas, j'ai juste confiance en mon subconscient. Pareil pour les textes, tout dans la tête.Ils ne sont pas forcément très explicites d'ailleurs...Ils ne sont pas narratifs. Ce ne sont ni des histoires ni des chansons d'amour, je vois plus ça comme des tableaux. Une histoire, une fois que vous l'avez entendue c'est terminé, ces chansons laissent les choses ouvertes. Quand j'étais en 6e et que j'écoutais Police sur mon skate, parce que bon j'ai quand même écouté un peu de rock, je n'ai jamais eu besoin de comprendre les paroles, l'essentiel c'était que ça sonne bien. Parfois quand j'écoute de vieux trucs blues, je n'arrive pas toujours à saisir, mais quoi que ça veuille dire, c'est très bizarre et mystérieux. Si je pouvais fabriquer une langue ça m'irait bien ! Peut-être que j'essaierai un jour...Peux-tu nous parler de Bowl of fire ?C'est le premier groupe dans lequel j'étais le principal compositeur. Au début j'étais encore dans ma phase ou j'adorais mes vieux 78-tours, mais au fil des disques, j'ai pris confiance, je me suis débarrassé de la trop forte influence du jazz et je pense qu'avec The Swimming hour (2001) nous sommes arrivés au début de quelque chose de nouveau. Après ça, j'ai commencé à bosser sur les chansons de The Mysterious production of eggs. J'ai enregistré tout le disque avec mes musiciens en leur laissant le choix de ce qu'ils jouaient, mais ça ne me convenait pas. J'ai laissé tomber et j'ai commencé à expérimenter plus, à tester des tas de choses que je ne m'autorisais pas. Au final, j'ai écrit Weather System que je suis allé enregistrer à Nashville avec Mark Nevers. Je voulais faire un disque plus relax, plus ouvert, qui jouerait plus sur les textures, les ambiances. C'est aussi là que j'ai commencé à jouer seul, ce que je n'avais encore jamais envisagé. Bien aidé par ta fameuse pédale-sampleur...Au départ je l'avais juste achetée pour l'expérimentation et je ne pensais pas m'en servir en live. Maintenant je préfère tourner avec elle plutôt qu'en groupe. Sur une longue tournée à plusieurs, on peut être plus ou moins énergique chaque soir, mais pas aussi créatif. Avec la pédale, je peux improviser, récréer et ne pas me préoccuper du regard inquiet de mon bassiste ! Aujourd'hui, je ne joue plus que seul ou avec mon batteur, plus de musiciens m'obligeraient à abandonner les boucles et je n'en ai pas envie. Il faut vraiment tracer une frontière entre les concerts et l'écriture. Quand je prends des risques en changeant des choses, j'ai l'impression que le public s'en rend compte et qu'il apprécie. Ça garde la musique vivante et ça me permet de ne jamais être en pilotage automatique. Si j'en arrivais là, je serais très déprimé !Et comment es-tu finalement venu à bout de ton dernier album ?Après Weather System, j'ai essayé de refaire Eggs avec Mark Nevers, mais ça ne me plaisait pas. Je voulais trouver l'équilibre entre les ambiances de Weather System et l'énergie d'avant, mais cette deuxième tentative fut aussi un échec. Heureusement, on m'a fait cette offre pour enregistrer dans un studio à L.A. avec David Boucher et on m'a laissé faire ce que je voulais, c'était très pro, très agréable. Comme je bosse seul la plupart du temps, j'ai besoin qu'on m'encadre un peu ; j'essaie de tout faire moi-même, mais forcément je suis submergé. J'ai besoin de gens de confiance pour m'aider et garder une certaine sérénité. Quand je rentre en studio, je suis anxieux et je ne veux pas que la musique sonne anxieuse, je ne veux pas que l'auditeur ressente la même chose que moi, c'est toute la difficulté de l'enregistrement.Quand a commencé l'histoire d'amour avec la France ?Le jour où je suis arrivé ! Aux Etats-Unis, j'ai travaillé vraiment dur pour construire un public, ici j'ai réussi en quelque mois à faire aussi bien que là-bas en 8 ans ! En France, ma musique a tout de suite eu accès à des médias grand public, ce qui n'est pas le cas là-bas où j'ai dû tourner comme un fou. Je crois que c'est aussi une chance que mes premiers disques ne soient pas sortis ici, ça m'a permis de redémarrer de zéro. Aux Etats-Unis je ne m'occupe plus de ce qui arrive, l'album s'est vendu à 10 000 exemplaires, ce qui n'est pas mal à mon niveau, mais j'ai tellement travaillé pour être si souvent déçu que je n'attends plus rien. Le truc c'est que maintenant mes disques sortent dans beaucoup plus de pays et que je suis beaucoup plus demandé. J'essaie juste de ne pas y laisser la peau !Andrew BirdÀ la Salle Victor Hugo le mardi 18 octobre"The Mysterious Production of eggs" (Fargo/Naïve)

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