Artisan chaosmique

Le très talentueux Enzo Cormann sera mercredi à la médiathèque de Vaise pour une rencontre autour de ses multiples activités : auteur, metteur en scène, acteur, enseignant et désormais... romancier. Yann Nicol

Si vous voulez une idée précise de ce qui anime Enzo Cormann, on vous conseille vivement de faire un tour sur son site Internet (www.cormann.net). Vous y verrez, en page d'accueil, un certain nombre de liens sortir de son crâne pour former une toile aux multiples ramifications. Il y a, d'abord, tout ce qui relève de la scène : ses multiples mises en scène pour le théâtre (on se souvient de La Révolte des anges, dans lequel il ressuscitait les figures de Koltès, Basquiat et Chet Baker), ses nombreuses contributions pour la radio (France Culture), ainsi que les représentations en lien avec le jazz en compagnie de son vieux compère Jean-Marc Padovani (des farces chantées, des «jaseries jazziques», des récitals et des lectures, notamment des poèmes de Kerouac). Vous y trouverez ensuite tout ce qui fait de Cormann un «artisan chaosmique», c'est-à-dire l'ensemble des influences artistiques qui le constituent : des photographies, des extraits de textes, des jactances (paroles sans P. majuscule) et de nombreuses notes de lectures sur des auteurs comme Deleuze, Joyce, Breton ou Kafka. Vous trouverez, enfin, dans la partie «Écrits», tout ce qui constitue son œuvre publiée : des essais (À quoi sert le théâtre ?), une vingtaine de pièces pour le théâtre (dont Cairn ou Diktat), quelques textes inédits et deux romans, dont le dernier, Surfaces sensibles, vient tout juste de paraître aux éditions Gallimard. Vénus, suite
Dans son premier roman, Enzo Cormann livrait le testament d'un homme, Venus, dont la folie ne trouvait de répit que dans la propension de l'art à répondre à la «question de l'être». Son deuxième projet romanesque, Surfaces sensibles, s'inscrit dans sa droite ligne, puisque ce «roman à trois voix» est lui aussi une profonde réflexion sur le rapport à l'expression artistique, particulièrement à la photographie et au jazz. Par l'entremise de ses trois personnages féminins (une photographe célèbre devenue aveugle, une jeune femme ayant vécu une passion destructrice avec un jazzman et une mystérieuse demoiselle recluse dans son univers musical), il donne à voir les interrogations d'artistes en proie avec la difficulté à dire le réel et à s'éprouver eux-mêmes dans leur présence au monde. En passant au roman, Enzo Cormann s'est certes plié aux codes du genre, dont le premier pas est la création de héros de papier. Chez Lori, Babette et Zoé, on a pourtant moins à faire à de réels personnages qu'à des voix, dont la profondeur et la sensibilité résonnent longtemps après que l'on a refermé le livre. On pense alors à cette phrase de Lori à propos de son approche photographique, qui semble si bien convenir pour définir le travail littéraire et romanesque de Cormann : «La représentation a le pouvoir étrange d'accoucher d'une vérité plus saisissable que la réalité. Bien sûr, la plupart des photos sont menteuses. Mais elles le sont à proportion de leur capacité à questionner le réel». Un mensonge qui dit la vérité, donc...

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