Boorman grandeur nature

Rétrospective à l’Institut Lumière autour de John Boorman, cinéaste insituable à force d’être hors des modes, dont la filmographie est émaillée de hauts et de bas, mais surtout de quelques œuvres mythiques. Christophe Chabert

Boorman et l’Institut Lumière, c’est une grande histoire d’amour. En 1993, alors que le cinéaste est en plein creux de la vague, se cherchant quelque part entre Hollywood et son Angleterre natale, une première rétrospective lui est consacrée, associée à la traduction de son autobiographie dans la collection Actes Sud. Depuis, Boorman a connu un retour en grâce aussi fulgurant qu’éphémère avec un de ses meilleurs films, Le Général, puis un divertissement sympathique tiré de John le Carré, The Tailor of Panama, avec un Pierce Brosnan en vacances entre deux James Bond. Mais ses deux derniers films, Country of my skull (avec Juliette Binoche et Samuel L. Jackson) et The Tiger’s tail ne sont même pas sortis en France ! Dans le même temps, les reprises plutôt réussies de ses premières œuvres, notamment l’extraordinaire Point de non-retour, achevaient de creuser le fossé entre le Boorman flamboyant des années 70-80, et celui, un peu loser, des années 90-2000.

Panthéiste sans panthéon
À vrai dire, le cas Boorman est encore plus complexe. C’est un cinéaste qui a d’abord cultivé un thème plutôt qu’une esthétique : le bras de fer entre l’homme et la nature, exprimé à travers une vision panthéiste du monde. Vision qui se retrouve aussi bien dans une tragique descente de rivière en canoës (Délivrance) que dans une relecture wagnérienne de la légende arthurienne (Excalibur), dans une suite horrifique totalement foirée (L’Exorciste II : l’hérétique) que dans un beau conte humaniste (La Forêt d’émeraude).
Entre une explosion de cruauté (le viol dans Délivrance, séquence aussi insoutenable qu’inoubliable) et un regard apaisé (les scènes d’amour entre Lancelot et Guenièvre dans la forêt d’Excalibur), Boorman propose une dialectique retorse, où la beauté des paysages est ensevelie par les ténèbres de l’âme humaine. Après le triomphe de La Forêt d’Émeraude, Boorman prend le risque d’abandonner cette thématique pour parler de lui : avec l’excellent Hope and glory d’abord, récit autobiographique de son expérience d’enfant britannique sous les bombes allemandes de la deuxième guerre mondiale ; puis avec ses fameuses mémoires et le court-métrage I dreamt I woke up.
Au fur et à mesure où son cinéma se faisait plus sage (à l’exception du fameux Le Général), on a donc réévalué ses toutes premières œuvres, assez iconoclastes : le polar atmosphérique, déconstruit et fascinant Le Point de non-retour ; la farce grinçante Leo the last, avec un surprenant Marcello Mastroianni ; ou encore cette bizarrerie kitsch, à l’esthétique indéfendable mais au propos passionnant, Zardoz, fable de SF avec un Sean Connery moustachu et en jupette. Lui aussi était déjà, à l’époque, en vacances entre deux James Bond !

Rétrospective John Boorman À l’Institut Lumière jusqu’au 13 juillet

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