Bouger avec le «post»

Rock / Issus d’une branche commune mais cousins éloignés, Gregor Samsa et Fuck Buttons sont à Lyon cette semaine. Ils y exposeront deux visions alternatives d’une troisième voie possible entre post-rock résigné et néo-prog-rock naïf. Stéphane Duchêne

Découverte récemment et diffusée (malheureusement) sur NRJ 12, la série Friday Night Lights doit beaucoup à sa bande son. Plutôt que d’accumuler comme de rigueur les tubes indés, Friday Night Lights est sonorisée par le pape texan du post-rock, Explosions in the Sky. Empreinte sonore qui lui confère une langueur et une moiteur peu commune, un arrière-goût tenace d’ennui existentiel.
Il faut dire que la série est la chronique passionnante, et paradoxalement délicieusement chiante, du culte voué au football américain dans l’un des bleds les plus pourris du Texas profond (tout le monde tuerait père et mère pour une victoire de l’équipe star du lycée, les Dillon Panthers).
Plus que jamais ici, le post-rock s’affiche comme la bande son du renoncement. Une sorte d’impasse, de fin de l’Histoire de ce rock progressif qui dans les années 70 explorait la matière des utopies musicales jusqu’à épuisement. Une impasse étrangement raccord avec la société qu’elle décrit (et décrie), dans FNL ou pas. Ce qui explique sans doute les difficultés du post-rock, A Silver Mt. Zion mis à part, à dépasser son côté « post » justement, à voir plus loin : plus loin il n’y a rien. Mais certains groupes, plutôt que de ressasser, ou comme Explosions in the Sky de sublimer cette impuissance en l’accolant à la réalité, n’ont pas renoncé à avancer. Ni à prendre la tangente pour voir ce qu’il y a après le «post».

La Métamorphose
Sur Rest, dernier album des Américains de Gregor Samsa, on retrouve un peu de ces atmosphères consumées d’Explosions in the Sky dans FNL. En plus apaisé. Et c’est sûrement dans ce nom emprunté à Kafka (La Métamorphose), que le groupe puise une inquiétante étrangeté volontiers protéiforme, entre slowcore maladif et onirisme nordique (le groupe pourrait étudier à l’école islandaise, assis entre Mùm et Sigur Ros). Comme le fit récemment A Silver Mt. Zion, Gregor Samsa n’hésite pas non plus à explorer une voie à laquelle le post-rock est souvent rétif : les harmonies vocales. Vrai bol d’air qui, garant d’une certaine naïveté, évite à la musique de se figer dans le nihilisme froid. Plus nihiliste justement, plus radical aussi : Fuck Buttons, version orageuse, voire cyclonique, d’Explosions in the Sky. Du post-rock, Fuck Buttons a gardé cet art d’accommoder les drones, entre My Bloody Valentine en guerre et Mogwaï changé en Gremlin. Et réussit l’exploit de passer le mur du son en planant. Pas étonnant quand on songe que le duo a fourbi ses armes électriques du côté de Bristol, capitale éternelle d’un certain trip-hop dont Fuck Buttons a su garder le goût de la lenteur. Si bien que chez eux l’urgence est plutôt à chercher dans le bruit blanc qui sonne l’alarme à vide que dans les beats accélérés d’une impossible fuite.

GREGOR SAMSA + FOR THE CHOSEN FEW
A la Marquise, vendredi 23 mai

FUCK BUTTONS + ME YOU THE STARS & THE UNIVERSE
A la Marquise, mardi 27 mai

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