Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal

Le quatrième volet des aventures de l’archéologue au chapeau est une bonne surprise : Spielberg et Lucas retournent à leur avantage les invraisemblances du récit et la vieillesse de leur héros pour en faire un blockbuster fier de son charme rétro. Christophe Chabert

Lucas en plein déprime post-Star Wars ; Spielberg essoufflé après un marathon de films conclu par son magnifique Munich ; Harrison Ford peinant à trouver des rôles à sa mesure. Il n’y avait, dans le fond, que des mauvaises raisons à rempiler pour un quatrième Indiana Jones, reprise tardive d’une franchise qui, on a tendance à l’oublier, a marqué une révolution dans un genre, le film d’aventures, totalement déserté par Hollywood à l’époque. D’autant plus que des succédanés peu glorieux comme l’immonde Benjamin Gates ont méchamment pillé l’héritage de la série, tout en générant de copieux dividendes au box-office. La bonne surprise de ce Royaume du crâne de cristal, c’est que Spielberg, Ford et Lucas n’ont pas cherché la surenchère ; au contraire, avec une malice de vieux grigous, ils transforment systématiquement leurs handicaps en points forts, se moquant ouvertement de l’air du temps.

Vas-y dans le rétro !

Si Indiana Jones n’a plus vingt ans, son fils, joué par le très fade et du coup très bien Shia LaBeouf, les a jusqu’au ridicule. Permanenté façon Fonzie, roulant en cuir et Harley à la façon de Brando dans L’Équipée sauvage, il incarne une jeunesse que les auteurs tournent systématiquement en ridicule, comme si ce bellâtre métrosexuel ne pouvait concurrencer un Ford élégamment viril malgré le poids des années. La scène finale enfonce ce clou avec humour : touche pas à mon Stetson, petit ! Ce quatrième volet, qui explore des années 50 en pleine guerre froide, prises entre la menace nucléaire (impressionnante séquence dans un village peuplé de mannequins soumis à un test atomique) et des Ruskoffs pas si inactuels (Cate Blanchett s’est fait le look délicieusement kitsch d’Elsa, la louve SS, mais son second ressemble beaucoup à un certain Vladimir Poutine !), assume à fond son charme rétro.
Le plaisir pris par Spielberg à faire durer les plans lors des scènes d’action, refusant ainsi le montage syncopé à la Michael Bay, est par exemple franchement jouissif. Les effets spéciaux numériques, associés à la photo un peu sale de Kaminski, finissent par ressembler aux bonnes vieilles transparences d’antan, et donnent au film son côté délicieusement désuet. Enfin, le scénario, invraisemblable salmigondis à base de légendes incas, de créatures de Roswell et de cités d’or, finit lui aussi par s’avérer plaisant par sa générosité à empiler les rebondissements et les péripéties. Les aventures de Tintin sont à portée de plumes, surtout quand on voit débarouler en second rôle ahuri un John Hurt qu’on croirait en train de passer les essais de motion capture pour le futur rôle du Professeur Tournesol ! La très spectaculaire séquence de poursuite s’achevant dans une clairière infestée par des milliers de fourmis rouges voraces est le point culminant de cette montagne russe qui remplit pleinement son rôle de divertissement classe A. Ça ne restera pas dans les annales, certes, mais après un déjà très réussi Iron Man, on note un net regain d’intérêt artistique du côté des usines hollywoodiennes. Pourvu que ça dure !

Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal
De Steven Spielberg (ÉU, 2h05) avec Harrison Ford, Cate Blanchett, Shia LaBeouf…

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