Eldorado

Après son enthousiasmant “Ultranova“, Bouli Lanners poursuit sa description décalée d’une Wallonie livide, où le besoin dévorant de chaleur humaine se manifeste de façon inattendue. François Cau

Dans la dernière partie d’Aaltra, les personnages de Benoît Delépine et Gustave Kervern font une halte dans un improbable rade de motards finlandais. Sur place, un habitué exécute - c’est le mot – une reprise de Sunny, accompagné au Bontempi. Le caractère hilarant et hypnotique de la séquence doit beaucoup à son interprète, le stupéfiant Bouli Lanners : en une scène, un potentiel comique hors normes se révèle. Avec ce type à l’apparence extraterrestre, le ridicule devient touchant, le manque d’assurance devient sublime, la monotonie languide se fait savoureuse. Autant d’éléments que l’on retrouvera dans Ultranova, la première réalisation de cet habitué des seconds rôles. Ces errances d’augustes VRPs dans des horizons sinistrés imposent un univers que l’on retrouve dans Eldorado : une construction en saynètes clairsemées de plans contemplatifs, où l’émotion point à la grâce d’une construction plus retorse qu’elle n’y paraît, une capacité à faire sortir le caractère absurde de la morosité ambiante, sans moquerie mais au contraire avec une infinie tendresse. Route-film
Yvan, vendeur crevard de voitures d’occasion, surprend un cambrioleur dans sa maison. Une fois qu’il l’a débusqué de sous son lit, il n’appelle pas les flics, mais sympathise avec le jeune vagabond (Elie), au point de lui proposer de l’emmener chez ses parents, à la frontière franco-belge. Mais Yvan annonce la couleur : «Je te préviens, je ne prends jamais l’autoroute». Eldorado substitue la désolation des paysages industrialisés d’Ultranova à l’abstraction rêveuse des routes de campagne, théâtres de rencontres frappées du sceau d’un absurde pas si non sensique que cela : un amateur de belles bagnoles médium à ses heures, un naturiste nommé Alain Delon et son amant, deux motards couards, la mère d’Elie… Autant de personnages bien secoués, réclamant le temps de séquences ironiques l’affection du curieux tandem, en un reflet souvent troublant de la relation entre Yvan et Elie. Bouli Lanners parfait ici ses partis pris esthétiques, enchaîne les visions fulgurantes pour donner une unité à un ensemble évoquant une suite de sketchs inégaux, mais toujours portés par la même empathie.
Il faut attendre le dernier tiers du film et sa série de révélations (bon, on n’est pas chez Shyamalan, non plus) pour en saisir tous les enjeux, et percevoir pleinement toute l’humanité à fleur de peau jusqu’ici suggérée. Le virage de ton est abordé sans emphase déplacée, avec une douce tristesse, et l’issue du voyage se dessine dès lors dans la noirceur, permettant enfin au film de se détacher de ses influences qui se bousculent au portillon des observateurs distanciés du quotidien.Eldoradode et avec Bouli Lanners (Fr/Belg, 1h25) avec Fabrice Adde, Philippe Nahon…

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