Fête du cinéma : les challengers

À deux doigts du chef-d'œuvre.

Diary of the dead, chronique des morts-vivants
de George A. Romero (EU, 1h35) avec Michelle Morgan, Shawn Roberts…
Cloverfield, Redacted, Rec et maintenant Diary of the dead : internet et la télé-réalité ont fait en 2008 une irruption fracassante sur les grands écrans. Théoriques, jouissifs ou les deux à la fois, ces films prennent acte d’une mutation des images et des récits, mais n’ont pas tous la même visée. Romero, qu’on n’attendait pas ici après un Land of the dead peu inspiré et pas mal pompé sur son copain Carpenter, reprend sa saga zombie à l’origine mais la refilme à l’aide de caméras subjectives mises entre les pattes de têtards étudiants en cinéma (notez, pour la marrade, le nom de l’actrice principale, qui a de beaux yeux, tu sais !). Droit dans ses bottes, le cinéaste se pose en moraliste des images, n’hésitant jamais à les questionner à voix haute dans le film, montrant les coutures de la manipulation, les ficelles du montage et de la dramatisation. Il s’offre même une sacrée ironie quand la soi-disant réalité rejoint la fiction minable tournée par ses faux cinéastes en herbe. Le ton particulièrement pessimiste du film impressionne, tout comme la hargne de certaines notations (du 11 septembre à Katrina, tout y est), mais le film d’horreur premier degré prend au passage un peu de plomb dans l’aile. Comme si ces nouvelles images sauvages et anonymes tuaient à petit feu le cinéma moderne… Pas de chance pour Romero, Rec a justement prouvé l’exact contraire ! CC
À bord du Darjeeling Limited
de Wes Anderson (EU, 1h47) avec Adrien Brody, Owen Wilson…
Le cinéaste reste dans son domaine thématique de prédilection : la cellule familiale hétéroclite, où chaque individu est plus frappé que les autres, où le manque affectif étouffe. En s’attaquant à cette fratrie, et en la transposant dans l’un de ses décors uniques dont il a le secret, Wes Anderson nous invite dans une intimité à part, nous fait partager les interrogations de ces post-ados bourgeois irresponsables. Et on a beau être à mille lieux de leurs préoccupations, on a le cœur serré au moment de les quitter. FC
Cloverfield
de Matt Reeves (EU, 1h30) avec Michael Stahl-David, Lizzy Caplan…
On sait gré à Matt Reeves et son producteur J.J. Abrams d’avoir insufflé du sang neuf au cinéma de divertissement hollywoodien : avec un budget restreint (enfin, compte tenu des chiffres actuellement en vigueur !), des acteurs inconnus et des idées originales de mise en scène, on peut prétendre lutter avec les mastodontes de l’usine à rêves américaine. On était assez béats devant l’initiative jusqu’à ce que Rec arrive sur nos écrans, et explose tout sur son passage… FC
Eldorado
de et avec Bouli Lanners (Fr/Belg, 1h25) avec Fabrice Adde, Philippe Nahon…
Bouli Lanners ne se contente pas d’enchaîner les saynètes grotesques : il les maintient en cohérence avec un sens de la mise en scène encore plus affirmé que dans son précédent essai (Ultranova), brouille les pistes avant de nous révéler le fin mot de l’histoire dans son ultime acte. Au gré de ce voyage gentiment loufoque, on ne s’attendait pas vraiment à être cueilli de la sorte. FC
Nouvelle donne
de Joachim Trier (Norvège, 1h43) avec Espen Klouman Hoiner, Anders Danielsen Lie…
Pour sa première réalisation, Joachim Trier met d’emblée la barre très haute en termes d’ambition cinématographique : conter la rivalité littéraire entre deux amis se phagocytant l’un l’autre, le tout en rendant hommage à la nouvelle vague française et aux romanciers norvégiens qui l’ont bercé. Nouvelle donne multiplie les audaces formelles avec talent, et nous révèle des comédiens d’une justesse confondante. Une agréable surprise. FC
La Soledad
de Jaime Rosales (Esp, 2h13) avec Sonia Almarcha, Petra Martinez…
Portraits croisés de femmes à Madrid aujourd’hui, entre petits problèmes (trouver un appartement, s’occuper de la succession familiale) et événement imprévisible (un attentat dans un bus). Film gonflé où le quotidien le plus déprimant est transcendé par une mise en scène impressionnante de précision et d’audace, La Soledad est la confirmation d’un talent espagnol singulier : Jaime Rosales, cinéaste exigeant mais pas autarcique, à l’écoute de ses acteurs et à la recherche de personnages forts et vrais. CC
La nuit nous appartient
de James Gray (EU, 1h54) avec Joaquin Phoenix, Eva Mendes…
Selon la formule consacrée, un réalisateur se voue à refaire sans cesse le même film. Après Little Odessa et The Yards, James Gray se fait un malin plaisir à prouver cet axiome. Mêmes enjeux familiaux, même univers, même opposition entre flic et truands… Mais sa maîtrise s’avère à ce point époustouflante qu’on en oublie nos réserves et qu’on se laisse happer par le film, à la grâce notamment d’une des plus scènes d’action que le cinéma américain nous ait offert récemment. FC
Les promesses de l’ombre
de David Cronenberg (EU/GB, 1h40) avec Viggo Mortensen, Naomi Watts…
Chabert va me décapiter en voyant que je n’ai pas mis son film préféré de 2007 dans la plus haute catégorie mais qu’importe. Même si l’on est toujours autant impressionné par l’âpreté de David Cronenberg, par sa capacité à renouveler cinématographiquement ses obsessions, on reste circonspect face au retournement de situation final, voire interrogatif face à ses motivations. Bon, quand vous lirez ces lignes, Christophe aura déjà fait disparaître mon corps…FC

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