La Fièvre musicale

Rock-électro-rap / Qui, des vieux briscards encore verts ou des jeunes qui en veulent, remportera le trophée de la rentrée musicale ? Hein, qui ? Christophe Chabert

On entend déjà la voix rocailleuse de JoeyStarr envahir la Halle Tony Garnier et les basses faire trembler les murs… Suprême NTM est de retour, après diverses fortunes solo de ses deux membres : un album magistral pour JoeyStarr, une retraite un peu trop anticipée du côté de Kool Shen. Sans rien à vendre sinon la pertinence de leurs morceaux quinze ans après leur enregistrement, ces deux monstres du rap français à nouveau prêts à bouffer la scène font figure d’événement hors catégorie ce trimestre (le 24 octobre). Autre revenant, Alain Bashung, qu’on a vu chanter jusqu’à l’essoufflement à l’Auditorium de Lyon, continue une magnifique tournée dans le sillage de son dernier album, Bleu pétrole. Cette fois, c’est à La Bourse du Travail (le 14 novembre) qu’il va mettre les spectateurs lyonnais au bord des larmes. Dans un tout autre registre, l’invité inespéré de cette rentrée s’appelle Kevin Shields. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, au début des années 90, il fut l’artisan d’une des grandes révolutions rock avec My Bloody Valentine ; il y élevait un mur de guitares saturées et mélodiques jusqu’à des hauteurs expérimentales kamikazes dans le cadre étroit de la musique commerciale. Victime involontaire de cette œuvre-limite, Shields ne s’est ensuite plus fait remarquer que par des remixes, des participations à des bandes originales hype et des essais confidentiels. Après une éphémère «reformation» de My Bloody Valentine cet été, le voilà qui prend la route sous son nom le temps de quelques concerts qui s’annoncent aussi audacieux que bruitistes (le 11 octobre à Grnd Zero).

Tendances rock

Jusqu’où peut-on prendre des paris sur l’avenir quand un groupe chasse l’autre à la vitesse où l’on déchire les pages d’un calendrier des pompiers ? Il est certain qu’à l’instant T (mardi 16 septembre, 14h05), personne ne peut déboulonner MGMT de son trône de groupe-phare du rock indé. Leur musique, et notamment leur tube malicieux Time to pretend, est partout — sur les FM et les web-radios, dans les jingles télé, dans le film Las Vegas 21… Leur atout ? Avoir digéré intelligemment quelques groupes barrés dans un format acceptable par un large public. Leur concert du 25 novembre au Ninkasi Kao est donc logiquement archi-complet ; mais passeront-ils l’hiver ou iront-ils rejoindre les météores rock échoués dans les limbes des IPods ? La question se pose aussi pour Foals… Leur premier album, Antidotes, est bluffant, synthèse parfaite entre l’efficacité du rock à guitares, les textes écorchés de leur leader, une production ambitieuse et des influences surprenantes. Reste à reproduire la chose en live (à l’Épicerie Moderne le 20 novembre). Le même défi est lancé à des groupes qui peinent à imposer leur singularité dans un paysage saturé : ainsi de l’électropop de Ratatat (le 28 novembre à la Plateforme), du garage rock de The Subways (le 25 octobre au Transbordeur) et de la pop de The Hoosiers (le 18 novembre au Transbordeur).

The French open
Au temps des quotas, les Français chantaient dans la langue de Molière, la trouille au ventre de se voir privés de passages radio… Mais à l’heure d’Internet et de myspace, les groupes d’ici n’ont plus de gène à revenir à la langue naturelle du rock, l’anglais. Herman Düne a été à ce titre un fier représentant de ces échanges linguistiques : ambassadeurs de l’antifolk en France, les frangins David et André ont imposé à force de disques réjouissants et de tournées marathon un style qui a fait des émules. Aujourd’hui séparés, c’est David qui garde la franchise avec un nouveau disque, Next year in Zion, hélas pas si nouveau que ça (au Ninkasi Kao le 23 novembre). Séparés eux aussi pendant un temps, les Little Rabbits sont réapparus, tel le surhomme, transfigurés en French cowboy en début d’année. Ils seront accompagnés, le temps d’un concert, d’autres cowboys français, les Annéciens de Coming soon (le 17 octobre à l’Épicerie Moderne). Que se passe-t-il du côté de Clermont-Ferrand ? Une émulation musicale digne des grandes années rennaises, voyant l’éclosion simultanée de groupes passionnants : la pop délicate de Delano Orchestra (le 12 novembre au Sirius), celle, aérienne, de Cocoon (le 23 novembre au Transbordeur) et le rock mélodique de Quidam (le 25 novembre, avant The Subways), tous montrent que l’ermite Murat n’est plus seul dans le Puy-de-Dôme. Quant à Sébastien Tellier, remis de sa cuisante défaite à l’Eurovision, il trouvera dans le Transbordeur une salle digne d’accueillir la grandeur perverse de ses chansons d’amour lubriques (le 3 novembre). Idem pour Moriarty : la scène du Radiant convient parfaitement à leurs fausses miniatures de classiques américains, à voir assis et de près (le 25 novembre). En Français toujours, pointons les retours de Vincent Delerm (trois jours en mars au Théâtre de la Croix-Rousse), Camille (après sa prestation acclamée à Fourvière, le 29 novembre au Transbordeur) et Alex Beaupain, sans Christophe Honoré (au Ninkasi Kao le 27 novembre) !

Postface
Et si, en 2008, on reconnaissait enfin la valeur historique du post-rock ? Ces groupes qui, sur les cendres de Kurt Cobain puis du World Trade Center, ont crié que le rock n’avait pas tout dit sur la musique et sur le monde. Au Canada, ce fut Godspeed you black emperor et son émanation directe, Silver Mount Zion, dont les concerts laissent muets d’émotion de longues heures après la dernière note (au CCO le 6 novembre). À Chicago, ce fut Gastr del Sol, dont les deux membres ont suivi ensuite des chemins solitaires. Celui de David Grubbs est méconnu mais magnifique, et cela devrait enfin se savoir après son concert à Grnd Zero le 22 octobre. Et ici même, à Lyon, ce fut Bästard, météore avant-gardiste dont les traces sont sensibles grâce à Zérö, groupe noise découvert à Nuits Sonores en mai et à l’affiche de l’Épicerie Moderne le 27 octobre. Comme un pont entre le passé et le futur, le zéro et l’infini !

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