Les écrivains et la «guerre sans nom»

Rencontres / Un colloque à l’université Lyon II et une journée de rencontres à la bibliothèque de la Part-Dieu tenteront de cerner le rapport qu’entretient la littérature française avec le douloureux épisode de la guerre d’Algérie. Un sujet passionnant autour d’invités prestigieux. Yann Nicol

Une fois n’est pas coutume. L’université Lyon II organise les 25 et 26 septembre un colloque ouvert à tous les publics, dont les enjeux dépassent largement le cadre strictement universitaire en proposant de nombreuses interventions autour des «écrivains français et la guerre d’Algérie». Pendant deux jours, de nombreux spécialistes viendront ainsi interroger la manière dont la littérature s’est acquittée de cette «guerre sans nom» : la mémoire, les tabous, le témoignage, la censure, la honte, la culpabilité, le travail éditorial sont autant de thèmes qui seront abordés pendant ce colloque. Outre un regard sur des écrivains «historiques», tels Albert Camus, François Mauriac, Jean Sénac ou Danielle Collobert, on retrouvera également des analyses d’œuvres plus récentes, comme celles de Pierre Guyotat, Bernard-Marie Koltès, Hélène Cixous ou Patrick Modiano. Cette très belle initiative trouvera un écho dans la journée consacrée par la bibliothèque à ce même sujet, le samedi 27 : la matinée en présence de quatre écrivains ayant abordé la question dans leurs œuvres, et l’après-midi avec des invités divers (Jean-Marie et Bruno Boëglin, François Bourgeat, ainsi que les avocats Ugo Iannucci et Paul Bouchet) qui apporteront leur témoignage sur la manière dont la guerre d’Algérie a été vécue à Lyon.

Mémoire maltraitée

Mais revenons sur la table ronde qui aura lieu le samedi 27 septembre à 10h et qui réunira quatre écrivains : Maïssa Bey, Virginie Buisson, Arno Bertina et Bertrand Leclair. La première, Algérienne dont le père a succombé à la torture durant la guerre, aborde la question de la décolonisation dans beaucoup de ses ouvrages, dont le très émouvant Bleu Blanc Vert. La seconde est née en France mais a passé l’essentiel de sa jeunesse en Algérie pendant les «événements». Dans Le Silence des otages, elle aborde avec une lucidité époustouflante cet épisode de l’histoire et de sa propre vie. Les deux autres auteurs présents n’ont pas à proprement parler de rapport avec la guerre d’Algérie. Ce qui ne les empêche pas d’interroger cette mémoire qui, comme le dit Bertrand Leclair, est «maltraitée» et «nous hante précisément d’être maltraitée, mal dite, maudite». La relative indifférence médiatique dans laquelle est sorti son magnifique roman, Une Guerre sans fin, ne manque d’ailleurs pas de poser des questions sur la prise en compte de cette mémoire… Quant à Arno Bertina, qui est sans conteste l’un des jeunes écrivains français les plus intéressants (on lui doit notamment le génialissime et méconnu Anima Motrix), il a abordé ce thème dans Le Dehors ou la migration des truites, en entremêlant les destins d’un immigré kabyle qui subit de plein fouet les violences d’octobre 1961 à Paris et d’un médecin français contraint de quitter l’Algérie après l’indépendance. La rencontre de ces quatre auteurs de grande qualité promet beaucoup, comme l’ensemble de ce colloque, d’ailleurs.

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