article partenaire
Quand on arrive en livre !

Un conte de fées déchiqueté

Reprise à l’Institut Lumière d’«Edward aux mains d’argent», premier volet de la collaboration fructueuse entre Tim Burton et Johnny Depp, et mise sur orbite d’un style baroque et féérique. CC

La ressortie française d’Edward aux mains d’argent n’est pas un hasard… En effet, ces jours-ci est créée à Paris son adaptation en comédie musicale, copie de l’original londonien — les Anglais sont friands de ce genre de transpositions ; un jour, ils seront capables de faire une Liste de Schindler, la comédie musicale ! Cela dit, cette reprise permet de constater que le film a déjà acquis une petite aura de classique, régulièrement programmé dans les cycles pour enfants et cité à raison comme l’œuvre ayant consacré l’esthétique de son cinéaste Tim Burton. Il s’agit aussi de la première rencontre entre Burton et celui qui devait devenir son acteur fétiche, Johnny Depp, avec qui il enchaînera ensuite des réussites comme Ed Wood ou Charlie et la chocolaterie, jusqu’à la déception de Sweeney Todd cette année.

Ciseaux et marteaux

Au commencement était un savant menant ses expériences dans son château gothique, loin au-dessus d’une banlieue pavillonnaire ripolinée aux allées impeccablement géométriques. Ce savant est un vieux fantasme du cinéphile Burton — car incarné par Vincent Price, l’acteur fétiche des films de Corman adapté d’Edgar Poe — mais déjà vacillant… Car le savant a passé l’arme à gauche laissant son ultime création inachevée : un adolescent qui serait ordinaire si son «père» avait eu le temps de remplacer les lames de ciseaux qui lui servent de doigts par des mains humaines. Recueilli par une représentante en cosmétiques, Edward va faire de son handicap un talent, se révélant coiffeur prodige ou remarquable tailleur de haies. Ce corps inadapté à la société normative dans laquelle il se trouve projeté trouve alors une fonction, portant l’illusion que cette «intégration» lui offrira une vie normale de teenager. Mais Tim Burton, trop lucide pour se laisser endormir par la trompeuse musique de la tolérance, va déchirer cette success story et montrer le revers de toute assimilation sociale : la persistance de l’instinct grégaire. Un instinct qui avait accepté Edward comme un amusant phénomène de mode, mais qui lui renvoie son image de freak au premier incident. On verra donc la foule revancharde réclamer la peau du monstre, comme dans le Frankenstein de James Whale, pour une séquence dont la violence a surpris par sa brutalité… En guise d’explication, Burton déclarait : «Pour moi, un conte de fées, c’est un gros gâteau avec des yeux humains à la place des cerises.» Edward aux mains d’argent, à ce titre, est un formidable conte de fées !

Edward aux mains d’argent
À l’Institut Lumière les 3 et 5 octobre

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Musiques...

Mardi 31 octobre 2023 Le festival Lumière vient de refermer ses lourds rideaux, les vacances de la Toussaint lui ont succédé… Mais ce n’est pas pour autant que les équipes de (...)
Mardi 31 octobre 2023 Si le tourisme en pays caladois tend à augmenter à l’approche du troisième jeudi de novembre, il ne faudrait pas réduire le secteur à sa culture du pampre : depuis bientôt trois décennies, Villefranche célèbre aussi en beauté le cinéma francophone....
Mardi 5 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or Anatomie d’une chute et sans doute favorisé par la grève affectant...
Mardi 29 août 2023 Et voilà quatre films qui sortent cette semaine parmi une quinzaine : N° 10, La Beauté du geste, Alam puis Banel & Adama. Suivez le guide !
Lundi 5 septembre 2022 Bien qu’il atteigne cette année l’âge de raison avec sa 7e édition, le Festival du film jeune de Lyon demeure fidèle à sa mission en programmant l’émergence des (...)
Mercredi 17 août 2022 Et si Forrest Gump portait un turban et dégustait des golgappas plutôt que des chocolats ? L’idée est audacieuse mais aurait mérité que le réalisateur indien de Laal Singh Chaddha se l’approprie davantage. Si l’intrigue réserve forcement peu de...
Mercredi 11 mai 2022 Alors que son film posthume Plus que jamais réalisé par Emily Atef sera présenté dans la section Un certain regard du 75e festival de Cannes, l’Aquarium (...)
Vendredi 13 mai 2022 Fruit du travail de bénédictin d’un homme seul durant sept années,  Junk Head décrit en stop-motion un futur post-apocalyptique où l’humanité aurait atteint l’immortalité mais perdu le sens (et l’essence) de la vie. Un conte de science-fiction avec...
Mardi 26 avril 2022 Les organisateurs d’On vous ment ont de le sens de l’humour (ou de l’à propos) puisqu’ils ont calé la septième édition de leur festival pile entre la présidentielle et les législatives. Une manière de nous rappeler qu’il ne faut pas tout...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X