Chambres avec télévision

Projection unique à l'Institut Lumière ce samedi du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, Shining, où le cinéaste transforme le roman de Stephen King en grand zapping halluciné. CC

Quand Kubrick décide d’adapter The Shining, Stephen King est une valeur en hausse chez les cinéastes américains. Depuis que De Palma a brillamment transposé son premier roman (Carrie), on fait la queue pour se livrer à l’exercice du film d’horreur tiré d’un best seller du maître. Hooper, Romero, Cronenberg, Carpenter s’y colleront pour des films qui ne sont pas forcément leurs meilleurs. C’est aussi ce qu’on a dit de Shining dans la carrière de Stanley Kubrick, en partie à cause du mépris dans lequel on a longtemps tenu le cinéma d’horreur ou, moins grossier, pour son côté exercice de style. Les saillies de King envers le film, affirmant qu’il s’agissait de la pire adaptation jamais faite d’un de ses bouquins, n’a pas arrangé les choses. Au fil du temps, les images créées par Kubrick dans Shining sont devenues mythiques (l’ascenseur déversant des flots de sang, l’enfant roulant dans les couloirs sur son vélo à roulettes, Nicholson grimaçant dans le labyrinthe végétal enneigé…) contribuant à sa réputation de «film le plus terrifiant de l’histoire du cinéma».Horreur à la chaîne
De fait, le film est une splendeur visuelle, d’une maîtrise qui arrive encore à étonner même de la part d’un maniaque du contrôle comme Kubrick. Il est aussi une merveille de narration : la montée de l’angoisse est particulièrement réussie, notamment parce que celle-ci se déploie comme une contagion, investissant chaque personnage à intervalles réguliers. L’époque permettait de laisser durer une séquence, et l’efficacité d’une scène comme celle de la chambre 237 doit beaucoup à la lenteur de son installation. Mais une question taraude le spectateur : où Kubrick veut-il en venir ? La réponse est dans les marges de la version généralement projetée en France, mais elle est plus flagrante dans sa version longue disponible aux États-Unis : Kubrick regarde l’hôtel Overlook comme un poste de télévision monstrueux où chaque chambre serait une chaîne figeant un moment du temps et le rediffusant en boucle. Dans la première partie, les références à la télé ne manquent pas à l’écran. Ensuite, c’est l’écran qui devient une métaphore de la télé, un grand zapping horrifique avec des fictions, des jeux, du réel, du surnaturel, dont on ne saisit que des bribes confuses dans un temps disloqué. Kubrick ne fait pas un pamphlet anti-télé, mais c’est cette dimension visionnaire, en plus de l’effroi qu’il suscite encore, qui permet à Shining de traverser (et se bonifier avec) le temps.Shining
À l’Institut Lumière
Samedi 11 octobre à 20h30

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Musiques...

Mardi 31 octobre 2023 Le festival Lumière vient de refermer ses lourds rideaux, les vacances de la Toussaint lui ont succédé… Mais ce n’est pas pour autant que les équipes de (...)
Mardi 31 octobre 2023 Si le tourisme en pays caladois tend à augmenter à l’approche du troisième jeudi de novembre, il ne faudrait pas réduire le secteur à sa culture du pampre : depuis bientôt trois décennies, Villefranche célèbre aussi en beauté le cinéma francophone....
Mardi 5 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or Anatomie d’une chute et sans doute favorisé par la grève affectant...
Mardi 29 août 2023 Et voilà quatre films qui sortent cette semaine parmi une quinzaine : N° 10, La Beauté du geste, Alam puis Banel & Adama. Suivez le guide !
Lundi 5 septembre 2022 Bien qu’il atteigne cette année l’âge de raison avec sa 7e édition, le Festival du film jeune de Lyon demeure fidèle à sa mission en programmant l’émergence des (...)
Mercredi 17 août 2022 Et si Forrest Gump portait un turban et dégustait des golgappas plutôt que des chocolats ? L’idée est audacieuse mais aurait mérité que le réalisateur indien de Laal Singh Chaddha se l’approprie davantage. Si l’intrigue réserve forcement peu de...
Mercredi 11 mai 2022 Alors que son film posthume Plus que jamais réalisé par Emily Atef sera présenté dans la section Un certain regard du 75e festival de Cannes, l’Aquarium (...)
Vendredi 13 mai 2022 Fruit du travail de bénédictin d’un homme seul durant sept années,  Junk Head décrit en stop-motion un futur post-apocalyptique où l’humanité aurait atteint l’immortalité mais perdu le sens (et l’essence) de la vie. Un conte de science-fiction avec...
Mardi 26 avril 2022 Les organisateurs d’On vous ment ont de le sens de l’humour (ou de l’à propos) puisqu’ils ont calé la septième édition de leur festival pile entre la présidentielle et les législatives. Une manière de nous rappeler qu’il ne faut pas tout...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X