Minuit sur le Boscop

Cinéma / Véritable phénomène cinématographique lyonnais, Le Graphique de Boscop est à l’affiche depuis plus de 30 ans au CNP, où il a finalement élu domicile le samedi soir à minuit. Un des rares vrais films cultes français. Christophe Chabert

Aux États-Unis, le phénomène des Midnight movies est bien connu ; ces bandes, en général peu avares en sexe, violence et bizarrerie visuelle, passent pendant des années en séance de minuit dans les cinémas de seconde exploitation. Eraserhead de David Lynch ou Henry portrait of a serial killer de John MacNaughton doivent ainsi leur carrière au long cours à la fidélité de spectateurs fanatisés n’hésitant pas à venir les voir vingt fois, jusqu’à les connaître dialogue par dialogue et plan par plan. Mais le plus culte des Midnight movies reste The Rocky horror picture show… Cette comédie musicale violant sans vergogne les codes du film fantastique est loin d’être un chef-d’œuvre ; mais la manière dont les spectateurs partout dans le monde s’en sont emparés force le respect. L’idolâtrie qui consiste a minima à faire du karaoké sur les chansons, va jusqu’à reproduire les ambiances du film dans la salle (seaux d’eau quand il pleut, poignées de riz lors du mariage…).

Le culte du faux simplet
À Lyon, à défaut d’avoir un club Rocky horror, nous avons aussi notre Midnight movie : Le Graphique de Boscop. Pourtant, point de tablier de sapeur à l’horizon (ça se passe en Basse-Lozère !) ; juste un OVNI cinématographique qui squatte depuis 30 ans une cave du CNP Terreaux le samedi soir. Au point d’éclipser les films qui passent dans les autres salles au même moment… Au départ, il y a une pièce de théâtre jouée au Café de la gare, à la grande époque où Coluche en était encore un des piliers. L’adaptation ciné se charge d’aérer l’action, mais en respecte scrupuleusement le texte, digne d’une digression dans un roman de Pynchon : dans une famille de Français moyens, le père éboueur rêve d’inventer un ordinateur capable de produire des tubes musicaux (Pascal Nègre n’a pas abandonné l’idée…) et le fils fait semblant d’être un débile pour ne pas révéler son talent de matheux. Le film, signé Georges et Sotha Dumoulin (qui ?), doit son aura à ses dialogues salés, grossiers ou vulgaires selon le degré de résistance du spectateur, et à l’interprétation de Romain Bouteille et de Philippe Manesse en faux simplet (Ben Stiller n’a donc fait que reprendre la franchise). Ceci explique le culte, mais on pourrait rétorquer qu’une œuvre déviante dans le même esprit, le génial Le Bonheur a encore frappé, n’aura pas eu droit dix ans plus tard à autant d’égards. Enfin, jusqu’à ce qu’un collectionneur ne le déterre pour une nouvelle séance de minuit…

Le Graphique de Boscop
Chaque samedi minuit au CNP Terreaux.

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