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Mensonges d'état

À travers une complexe histoire d’espionnage au Moyen-Orient, Ridley Scott tente d’analyser le cynisme de la CIA dans sa lutte contre le terrorisme. Mouais… Christophe Chabert

Ridley Scott enchaîne à une vitesse fulgurante les films, passant sans transition d’une épopée médiévale (Kingdom of heaven) à une comédie légère (Une grande année) puis à une fresque sur le gangstérisme (American gangster). À la vision de ce Mensonges d’état, on serait tenté de lui dire de calmer le jeu, tant il donne l’impression de manquer de recul, hésitant entre blockbuster d’espionnage et réflexion politique, perdant sur les deux tableaux de la clarté et de l’efficacité. Le film montre comment un agent de la CIA piste à travers le Moyen-Orient un djihadiste responsable d’une vague d’attentats en Europe. La première partie le montre au cœur d’une action qu’il tente de maîtriser, épié dans ses moindres faits et gestes par un supérieur pratiquant un trouble jeu. C’est la meilleure piste du début : le grand écart entre la confusion que vit Ferris sur le terrain et la froide machinerie des écrans de surveillance, à la précision millimétrée comme un wargame sur Playstation. Duplicité redoublée par l’opposition entre Di Caprio, qui abîme à nouveau sa gueule d’ange à coups d’hématomes, de cicatrices et de plaies, et Russell Crowe, génial en boss cynique bouffi de pancakes et de patriotisme aveugle, se croyant l’incarnation du bien parce qu’il est né en Amérique. Même si le scénario de William Monahan est confus, ce duel fonctionne et on espère que le film en tirera profit ensuite.

La petite fabrique de terroristes

Mensonges d’état vient justifier son titre dans sa deuxième partie, où il s’agit d’inventer un appât pour débusquer le terroriste, quitte à s’exposer à son tour à la manipulation. Moins trépidante et plus bavarde, cette partie est là encore soutenue par une idée intéressante : peut-on fabriquer des terroristes pour lutter contre le terrorisme ? On pense bien sûr à la manière dont l’Amérique a armé Ben Laden en Afghanistan, avant que celui-ci ne se retourne contre ses «amis». Surtout, Scott montre que la CIA n’est pas forcément maître à bord, et que ses manœuvres arrogantes sont moins probantes que les méthodes (fort contestable) des services secrets locaux. Que Ferris soit un ancien de Guantanamo n’est pas innocent, et que, dans une spectaculaire inversion des rôles, ce soit lui qui devienne victime de la torture, pourrait porter loin la réflexion politique. Mais Scott préfère l’absoudre dans une très mièvre romance, choisissant l’accumulation plutôt que l’analyse. Il y avait de quoi faire un vrai bon film de ce Mensonges d’état ; il n’en reste hélas qu’une ébauche sur l’écran.

Mensonges d’état
De Ridley Scott (ÉU, 2h08)
avec Leonardo Di Caprio, Russell Crowe…

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