Mesrine, l'Ennemi public N°1

Après le blockbuster superficiel L’Instict de mort, Jean-François Richet se décide enfin à traiter son sujet. Mais après une première heure réussie, Mesrine révèle sa vraie nature de film de compromis. Christophe Chabert

Dès la première scène de L’Ennemi public n°1, on sent que les choses ont changé dans le Mesrine de Jean-François Richet. Certes, il y a à nouveau une scène d’évasion, mais ce n’est plus l’action qui guide la séquence ; c’est le personnage dans toute sa démesure. Ouf ! On se demandait si, sur quatre heures, Richet allait faire de Jacques Mesrine autre chose qu’un prétexte, bad guy de convention visitant le grand musée du cinéma de genre.

Donc le voilà enfin et, paradoxalement, Mesrine se présente à nous comme un comédien, génie du masque plus que du mal, agitateur incorrigible qui se rêve en «ennemi public» et ne pense qu’à se hisser en tête du hit parade («Numéro 1 !» s’exclame-t-il avec fierté). Il vient de rédiger ses mémoires et une réplique de son avocate nous apprend que tout cela est peut-être pures foutaises. Mythomane obsédé par la popularité, Mesrine révèle le visage crédible d’un criminel médiatique, bouffon provoquant un pouvoir déstabilisé. Du coup, surprise, L’Ennemi public n°1 est un film assez drôle, grâce notamment à la prestation de Vincent Cassel qui excelle dans ce registre de bateleur flamboyant. Quant à Richet, il se décide à adopter un style, nerveux et sec, pendant ces deux grands blocs que sont l’apogée du Mesrine braqueur de banques avec Michel Ardouin (Le Bihan) et la cavale avec François Besse (Amalric).

Non coupable, mais un peu quand même

Mais dans sa deuxième partie, L’Ennemi public n°1 retombe dans les balourdises du premier volet : un clip bling bling à Londres, une prestation grotesque de Gérard Lanvin avec l’accent corse, une musique omniprésente et emphatique, et surtout l’écartèlement flagrant entre les différentes visions derrière sa réalisation.

À l’instar de la dernière image christique qui sert d’affiche au film, Richet voudrait iconiser Mesrine en combattant mélancolique d’une cause perdue d’avance. Mais chaque personnage secondaire n’existe que pour le faire redescendre sur terre — on sent derrière cet hypocrite retour de balancier l’exigence de Cassel pour peindre les contradictions du personnage. Un coup à gauche, un coup à droite et bien au milieu, ce Mesrine est un film de couilles assumé (il faut voir la pauvre Ludivine Sagnier se démener avec son personnage de ravissante idiote !) qui en manque cruellement, de couilles. Et l’image de Richet en marxiste engagé en prend un coup dans l’aile tant ce long biopic brille en fin de compte par sa coupable neutralité.

Mesrine, L’Ennemi public n°1
De Jean-François Richet (Fr, 2h12) avec Vincent Cassel, Ludivine Sagnier, Matthieu Amalric…

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