Noblesse de la timbale

Rencontre / Benoît Cambreling, le génialissime timbalier de l’Orchestre National de Lyon, fera sonner en deuxième audition mondiale le Concerto pour timbales et orchestre du compositeur contemporain William Kraft. À quelques jours de la création, pression et enthousiasme se mêlent. Pascale Clavel

Au mieux, le grand public confond la timbale avec la cymbale ; au pire, ne voit aucune image qui puisse se rattacher de près ou de loin à cet instrument. Ce constat nous conduit à parler de l’un des plus grands timbaliers contemporains. Benoît Cambreling est en pleine répétition du concerto de Kraft. Un événement inouï pour qui sait le peu d’œuvres écrites pour la timbale. Depuis bientôt six mois, à raison de trois à six heures par jour, il se bat avec cette œuvre monumentale. Il jubile devant les quinze timbales. Pour le percussionniste, c’est une tout autre histoire. Le concerto est ardu, remarquablement difficile : «c’est du ‘note à note’, mesure par mesure, pour arriver à trouver comment je vais faire. J’avance pas à pas, c’est très long. Et puis, il faut jouer par cœur». Entré dans la dernière ligne droite avant le concert, Benoît Cambreling est concentré. Au sol, autour de lui, six timbales. Il doit effectuer des changements d’accords avec le pied, tout en comptant les mesures, en écoutant les répliques à l’orchestre, en se rappelant quel est le prochain accord… Et, comme en lévitation au-dessus de lui, neuf petites timbales accordées du do dièse au la. Benoît Cambreling avoue qu’il n’avait aucune idée de ce que l’œuvre allait donner pendant les deux premiers mois de travail : «J’ai fixé les choix de baguettes il y a moins de quinze jours, c’est à dire au bout de cinq mois de répétition et je vais faire des propositions qui vont certainement surprendre le compositeur». Quelques jours avant les concerts, tout est au point, le risque reste la mémoire : «je travaille beaucoup sans les instruments, je ferme les yeux, je me concentre et je déroule toute la partition et je me vois la jouer, changement d’accords, changement de baguettes… C’est un énorme travail de concentration mais lorsqu’on arrive à le faire plusieurs fois, c’est d’un grand réconfort et une belle garantie pour le réussite du concert». Pairs reconnaissants
À l’origine, c’est le timbalier de San Francisco, David Herbert, qui a eu l’idée de faire fabriquer neuf timbales pour augmenter d’une sixte la tessiture des timbales. Lorsqu’il a prévenu William Kraft, ce dernier a tout de suite voulu écrire un concerto. En le composant, Kraft s’est dit que son concerto ne serait jamais joué tant il fallait un matériel spécialisé. Herbert lui aurait répondu : «ce n’est pas grave, nous avons écrit l’histoire». Pour les deux concerts à Lyon, L’ONL a loué le dispositif à David Herbert, les timbales viennent donc de San Francisco. Benoît Cambreling est ému, il est unanimement reconnu au sein de l’Orchestre National de Lyon, sur le plan national et international. Malgré cela, il se bat encore et encore avec une certaine jubilation pour faire reconnaître son instrument. Les chefs d’orchestre eux-mêmes ne connaissent pas toujours les particularités cette percussion. Benoît Cambreling a créé à Lyon les Rencontres Internationales de la Timbales où se retrouvent les plus grands spécialistes de cet instrument mais reste un artiste à l’humilité remarquable.Par curiosité
Berlioz, en plein XIXe siècle, explique dans son fameux traité d’orchestration, que la timbale lui semble être, de tous les instruments à percussion, «le plus précieux, celui, du moins, dont l’usage est le plus général, et dont les compositeurs modernes ont su tirer le plus d’effets pittoresques et dramatiques». En même temps, Berlioz devait malgré tout reconnaître que ses prédécesseurs ne s’en étaient servi, au mieux, que pour «frapper la tonique et la dominante sur un rythme plus ou moins vulgaire, dans des morceaux à caractère brillant ou à prétentions guerrières». Il est impératif d’aller voir et entendre Benoît Cambreling dans une œuvre insolite qui ne sera pas donnée en Europe avant très longtemps.Kraft, concerto pour timbales et orchestre
À l’Auditorium /Orchestre National de Lyon, les 4 et 6 décembre.

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